• Alzheimerl’éthique en questions
    Alzheimerl’éthique en questions
    Direction Générale de la Santé,
    France-Alzheimer,
    Association Francophone
    des Droits de l’Homme Âgé (AFDHA)


    Recommandations




    D
    D
    epuis quelques années, la société a pris conscience que la maladie d’Alzheimer devenait une des
    premières préoccupations de santé des pays développés. Aujourd’hui, près de 850 000 personnes

    en France sont atteintes de maladie d’Alzheimer ou d’une maladie apparentée.

    La maladie d’Alzheimer constitue la principale cause d’entrée en institution et entraîne une diminution de
    l’espérance de vie. En raison du vieillissement de la population, le nombre de personnes atteintes va
    augmenter fortement dans les dix prochaines années. Ainsi la France pourrait compter 1,3 million de
    malades en 2020, si l’on ne prend pas en compte la possibilité d’importants progrès de la recherche .

    Il faut souligner les particularités cliniques de cette maladie qui altère les capacités de mémoire et
    entraîne la perte des repères dans le temps et l’espace : la personne ne reconnaît plus ses enfants, son
    conjoint et la maladie d’Alzheimer provoque de graves troubles du comportement.

    Cette pathologie enlève progressivement à la personne malade sa capacité de penser et de s’exprimer, et
    sa capacité à prendre soin d'elle-même. La maladie transforme en profondeur la vie de celui qui en
    souffre et de sa famille. Les particularités cliniques de la maladie d’Alzheimer rendent les personnes
    souffrant de cette pathologie très vulnérables.

    Les familles, les aidants et les professionnels sont placés devant de nombreuses décisions difficiles à
    prendre : décision de consentir ou non à des soins, décision d’arrêter de conduire, décision de mettre en
    place des aides, décision d’entrer dans un protocole de recherche, décision d’entrer en institution. À
    toutes ces décisions, s’ajoute la difficulté de respecter au mieux le choix et les souhaits de la personne
    malade.

    C’est pourquoi, dans le cadre du plan Alzheimer 2004-2007, un groupe de travail a été chargé d’organiser
    la réflexion éthique afin d’aider les personnes concernées, les familles et les professionnels à aborder ces
    questions. Ce groupe, coordonné par le Professeur Blanchard (CHU de Reims), devra élaborer un
    référentiel commun à l’ensemble des soignants, construit autour de l'impératif de respect de l’individu,
    afin d’identifier les situations conflictuelles et les valeurs qui sont en jeu et d’offrir des espaces de
    rencontre et de prise de décision.

    Pour parvenir à ces recommandations, un premier colloque national a été organisé en avril 2004 afin de
    définir le contenu des futurs débats. Puis cinq colloques en région ont porté sur des thèmes majeurs et
    ont eu pour mission de débattre de ces sujets et de proposer des lignes directrices.

    À Lille, ont été débattues les questions portant sur le diagnostic, à Rouen sur la vie à domicile, à Toulouse
    sur la recherche et le projet de soins, à Reims sur le maintien de la relation à domicile ou en
    établissement d’hébergement pour personnes âgées à un stade avancé de la maladie et à Montpellier sur
    les questions autour de la fin de vie.

    Ce document “Alzheimer, l’éthique en questions” est le fruit de tous ces débats éthiques, avec le souhait
    de les rendre accessibles à tous et de préciser les facteurs clés à prendre en considération dans chaque
    type de décisions.

    Nous souhaitons que ce document, qui vous est destiné, personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer,
    familles, professionnels de santé et chercheurs, puisse vous apporter aide et repères dans votre
    quotidien.

    Si nous voulons accroître nos connaissances sur la maladie d'Alzheimer et développer une prise en
    charge de qualité, tous les acteurs doivent continuer leurs échanges afin de s'assurer que l'intérêt - et le
    respect de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer - demeure la priorité en tout temps.

    Philippe BAS Xavier BERTRAND

    Ministre délégué à la Sécurité sociale, Ministre de la Santé et des Solidarités
    aux Personnes âgées, aux Personnes handicapées et à la Famille


    Groupe de travail


    animé par le Professeur François BLANCHARD, président de l’AFDHA, gériatre, CMRR Champagne-Ardenne

    Professeur Michel BILLÉ, sociologue, IRTS Poitiers
    Docteur Fabienne DUBUISSON, Bureau Personnes Âgées, DASES
    Docteur Marie-Yvonne GEORGE, gériatre, Maison Hospitalière Saint-Charles, Nancy
    Docteur Mylène KACK, gériatre, CHU Reims
    Docteur Benoît LAVALLART, Bureau Maladies Chroniques, Enfance et Vieillissement, DGS
    Madame Isabella MORRONE, neuropsychologue, CHU Reims
    Professeur Jean-Luc NOVELLA, gériatre, CHU Reims
    Professeur Louis PLOTON, psychiatre, gérontologue, Université Lyon II
    Docteur Elizabeth QUIGNARD, gériatre, CH Sézanne
    Docteur Marie-Françoise ROCHARD-BOUTHIER, psychiatre, CHU Rouen

    avec la collaboration de France Alzheimer


    Remerciements


    L
    L
    e recueil ici présenté est le résultat d’une réflexion et d’une expertise collectives sur l’éthique et la maladie
    d’Alzheimer. Cette synthèse est le fruit d’un travail porté par de très nombreuses personnes. Cette réflexion s’est
    organisée à partir de cinq grands colloques où les problèmes éthiques étaient abordés en fonction de la
    progression de la maladie : Lille “Autour du diagnostic” ; Rouen “Être malade et vivre à domicile et dans la cité” ;
    Reims “Être toujours en relation lorsque la maladie progresse - l’institution” ; Toulouse “La recherche - le projet de soins et
    le contrat de soins”; Montpellier “La fin de la vie”.

    Pour chacun de ces colloques, étaient organisés l’après-midi des ateliers de réflexion thématiques où s’inscrivaient l’ensemble
    des participants. C’est ainsi plus de 1 600 personnes qui ont apporté leur contribution à la réflexion. C’est à ces professionnels
    engagés, ces familles, ces accompagnants que doivent d’abord aller les remerciements pour leurs apports si
    précieux.

    Ces colloques dans chacune de ces villes n’ont pu être organisés que grâce à l’action soutenue, aux efforts de mobilisation
    et d’organisation déployés localement par un petit noyau de personnes motivées et responsables. Qu’ils en soient tous ici
    remerciés. Parmi eux, je peux citer Sandrine Andrieu, Pierre Delaunay, Anne-Marie Duguet, Karine Fraysse, Didier
    Hannequin, Claude Jeandel, Didier Martz, Yves Moynot, Jean-Luc Novella, Florence Pasquier, Marie-Françoise Rochard-
    Bouthier, Christine Rolland, Jacques Touchon, Bruno Vellas. Ce sont leur engagement, leur détermination, qui ont permis le
    succès de chacun de ces colloques.

    Un tel travail de réflexion sur les situations de crises, les difficultés et les réponses éthiques à apporter ne saurait se
    concevoir sans les représentants des malades et leurs familles. L’Association France Alzheimer a été présente tout au long
    de ces quatre années pour ce parcours. Que les membres de cette association qui se sont engagés derrière leurs présidents
    successifs, Jean Doudrich puis Arlette Meyrieux, soient ici remerciés. Je pense plus particulièrement à Dominique
    Beauchamp, Claire Demerliac, Guy Le Rochais, Jean Petitpré, et également à tous les représentants locaux qui ont participé
    très activement aux différents colloques.

    Pour organiser cette réflexion au niveau national et en faire la synthèse, il faut un groupe de pilotage solide. Ce groupe de
    pilotage, nommé en 2002, a fonctionné avec une remarquable continuité depuis cette date jusqu’à ce jour. Chacun de ses
    membres a été nommé pour avoir déjà une réflexion reconnue dans le domaine et un engagement professionnel et
    personnel dans la prise en charge des patients atteints de maladie d’Alzheimer. C’est ce groupe de pilotage qui a non
    seulement assuré l’animation et la coordination, mais aussi insufflé l’esprit et l’âme de ces groupes de réflexion avec
    humanisme et avec lucidité. Qu’ils soient ici remerciés pour leur engagement et leur fidélité. Ce groupe était constitué de
    Michel Billé, Fabienne Dubuisson, Marie-Yvonne Georges, Isabella Morrone, Louis Ploton, Elisabeth Quignard, et Benoît
    Lavallart qui a joué un rôle particulier dans le soutien sans faille que nous avons eu de l’administration pour organiser cette
    réflexion.

    C’est ce même groupe de réflexion qui s’est attelé à la tâche difficile de la rédaction de la synthèse ici présentée, groupe
    auquel se sont adjoints pour cette rédaction Mylène Kack et Jean-Luc Novella.

    Enfin, c’est grâce à l’AFDHA (Association Francophone des Droits de l’Homme Âgé) et aux membres de son conseil
    d’administration, et à l’ORRPA (Office Rémois des Retraités et des Personnes Âgées) avec Hélène Albert, que ces colloques
    ont pu être organisés, et à Concept Santé avec Anne de Peufeilhoux, que ce recueil a pu être mis en forme.

    En citant ces personnes qui ont eu un rôle actif dans cette réflexion, je prends le risque énorme d’oublier l’un ou l’autre et
    de le blesser involontairement. Aussi, je voudrais terminer ces remerciements en m’adressant à celui ou celle qui aurait été
    oublié et aux anonymes, à ceux qui se sont engagés, qui ont apporté leur pierre pour construire cet édifice : les secrétaires
    qui ont participé à la préparation de ces réunions et à la rédaction, tel membre de famille qui a facilité l’obtention d’une
    salle, tel responsable administratif qui a permis que l’on puisse trouver des repas plus facilement…, tous ceux grâce
    auxquels ces colloques ont pu se tenir. À chacun d’entre eux, nous sommes un peu redevables du résultat final qui nous
    réunit pour apporter une attention plus humaine, plus respectueuse aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
    C’est d’abord pour ces personnes malades et en leur nom que chacun de ceux qui ont contribué à cette oeuvre éthique doit
    être remercié.

    Professeur François BLANCHARD

    Président de l’AFDHA
    Coordonnateur du groupe de pilotage



    Sommaire



    Préface -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------8

    I - Autour du diagnostic -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------14

    Annonce du diagnostic 14
    - Faut-il annoncer le diagnostic ?
    - Y-a-t-il un risque à annoncer le diagnostic ?
    -A qui annoncer le diagnostic ?
    -Qui annonce le diagnostic ?
    -Comment annoncer le diagnostic ?
    Dépistage et diagnostic précoce 15
    - Quelles maladies dépister et comment ?
    - Le dépistage a-t-il un intérêt dans la maladie d’Alzheimer ?
    - Le diagnostic précoce a-t-il un intérêt dans la maladie d’Alzheimer ?
    - Dans quelle population et avec quels outils le diagnostic précoce doit-il être fait ?
    - Faut-il annoncer le diagnostic à un stade pré-clinique (Mild Cognitive Impairment) ?
    - Quels sont les freins au diagnostic précoce ?
    - Quels sont les moyens d’améliorer la précocité et la qualité du diagnostic ?
    Génétique et hérédité 17
    - Le dépistage génétique a-t-il un intérêt ?
    - Quel peut être l’apport de la génétique pour établir un diagnostic ?
    - Que proposer lors de la survenue d’une forme génétique familiale ?
    - Que proposer à une famille dont plusieurs membres sont atteints ?
    - Quand faut-il aborder la notion d’hérédité ?
    - Quels sont les pistes de recherches et les résultats attendus ?
    Diagnostic à un stade évolué de la maladie 18
    - Le diagnostic à un stade tardif a-t-il un intérêt ?
    - L’annonce du diagnostic à un stade tardif a-t-elle des particularités ?
    Suivi après l’annonce du diagnostic 18
    - L’annonce du diagnostic doit-elle être accompagnée ?
    - Comment s’assurer de la compréhension du diagnostic et du projet de soins par le patient ?
    -Comment s’assurer de la compréhension du diagnostic et du projet de soins par la famille et les proches ?
    II - Être malade et vivre à domicile ----------------------------------------------------------------------------------------------------20

    Tant que le patient a encore sa raison, comment peut-il prévoir son avenir ? 20
    - Faut-il favoriser l’expression de la volonté de la personne malade ?
    - Quels sont les moyens dont la personne âgée dispose pour exprimer sa volonté ?
    - Qui est la personne de confiance et quels sont ses engagements ?
    - Quelle place donner aux directives anticipées ?
    Comment concilier sécurité et liberté à domicile ? 21
    - Les limitations de liberté de la personne malade peuvent-elles se justifier ?
    - Peut-on convenir d’un niveau de risque acceptable ?
    - Qui met en place ces limitations de liberté ?
    - Quelle place donner à la parole du malade dans ces décisions de restriction de liberté ?
    - Quelles limitations de liberté sont envisageables ?
    - Quelle liberté pour les aidants familiaux ?

    Déplacement dans la cité : quelle liberté pour quelle sécurité ? 23
    - Qu’est-ce que la liberté de déplacement ?
    - A quels risques expose la maladie d’Alzheimer, si cette liberté est respectée ?
    - Comment tenter de réduire les risques liés au déplacement dans la cité ?
    - Comment tenter de réduire les risques spécifiques liés à la conduite automobile ?
    - Peut-on envisager un dépistage des difficultés et des adaptations du permis de conduire ?
    - Peut-on empêcher un malade de conduire ? Quel est le rôle du médecin ?
    - Quelles alternatives à la conduite automobile ?
    Place de l’entourage familial dans la prise en charge 25
    - Quel est le rôle de la famille dans la prise en charge ?
    - Les familles sont-elles des soignants ?
    - Quels sont les facteurs de risque d’épuisement de l’aidant familial ?
    - Comment agir avec une famille qui refuse d’être aidée à domicile ?
    Jusqu’où les aidants professionnels peuvent-ils se substituer au malade et à sa famille ? 27
    - Quelles sont les conditions nécessaires à une intervention adaptée des professionnels à domicile ?
    - Les professionnels et les familles sont-ils concurrents ou complémentaires ?
    - Quels sont les facteurs de risque d’une mauvaise qualité des aides à domicile ?
    Quelle insertion sociale dans la cité ? 28
    - Comment favoriser le maintien de l’insertion sociale des personnes malades ?
    - Quelle citoyenneté conservent les personnes malades ?
    - Comment contribuer à conserver la vie sociale des proches ?
    III - Recherche ---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------30

    Quelles priorités ? Quelles règles partenariales ? Quelle valorisation des résultats ? 30
    - Quels sont les domaines potentiels de recherche ?
    -Quels chercheurs ?
    - Quelles règles partenariales ?
    - Qui finance la recherche ?
    - Faut-il hiérarchiser les priorités de recherche et comment ?
    - Quelle valorisation des résultats ?
    - Quelles améliorations souhaiter ?
    Pourquoi certains domaines de recherche sont-ils négligés ? 32
    - Quelle place pour la recherche en psychologie gérontologique ?
    - Quels cadres de recherche envisager pour l’avenir ?
    Accompagnement de la personne qui participe à la recherche 33
    - Une personne isolée peut-elle participer à un protocole de recherche biomédicale ?
    - Quels sont les rôles principaux de l’accompagnant dans la recherche biomédicale ?
    - Tous les rôles demandés à un accompagnant dans le cadre d’une recherche peuvent-ils être tenus par la même personne ?
    -Quelles sont les conséquences de l’arrêt prématuré d’un protocole de recherche biomédicale, sur la personne malade
    et sur son entourage ?
    Problèmes juridiques et éthiques liés à la recherche ? 35
    - Qui donne son consentement ?
    - Quelles informations fournir et comment ?
    - Quelles garanties éthiques la recherche offre-t-elle ?

    IV - Projet de soins et contrat de soins ----------------------------------------------------------------------------------------37

    Quelle est la spécificité du soin dans la maladie d’Alzheimer ? 37
    - Quels sont les problèmes éthiques spécifiques liés à l’existence de troubles cognitifs ?
    -La maladie expose à un risque important de sentiment d’impuissance et de grand désarroi chez les aidants et les soignants, qui
    exposent eux-mêmes à un risque d’abandon.
    - Ces soins demandent une attention particulière
    Quelles sont les spécificités du contrat de soins ? 37
    - Quelles sont les personnes engagées dans le contrat de soins ?
    - Quels sont les principes généraux du contrat de soins ?
    Quelles sont les spécificités du projet de soins ? 38
    - Le projet de soins est contractuel, proposé dès l’annonce du diagnostic et adapté tout au long du suivi de la personne malade.
    - Le projet de soins respecte les dispositifs légaux et est guidé par les bonnes pratiques cliniques gériatriques.
    - Le projet de soins est l’instrumentalisation du sens à donner aux soins.
    - Quel est le cahier des charges du projet de soins ?
    Quels sont les objectifs du projet de soins ? 39
    -Quels sont ses principaux objectifs ?
    - En quoi consiste le volet thérapeutique du projet de soins ?
    - En quoi consiste le volet “accompagnement” du projet de soins ?
    - En quoi consiste le volet “décision” du projet de soins ?
    En quoi le projet de soins est-il au service de la vie ? 41
    - Il est garant non seulement du droit de vivre, mais aussi celui de « vivre avec les autres ».
    - Il est garant de l’identité de la personne
    - Il est garant du respect de sa dignité, de son intimité, de sa liberté et de sa sécurité
    - Il est garant de la priorité de l'intérêt de la personne malade
    - Il tente d’optimiser la qualité de vie du patient
    Quels défis pour l’avenir ? 42
    - Comment faire évoluer l’offre pour répondre à une évolution des besoins ?
    - Quel engagement dans la démarche qualité ?
    - Les concepts de bientraitance et de bienveillance, et la lutte contre la maltraitance
    - Favoriser le maintien de la vie sociale du malade et lui conserver sa citoyenneté
    V - Être toujours en relation lorsque la maladie progresse ----------------43

    Vivre à domicile à un stade avancé de la maladie 43
    - Quels sont les pré-requis à une vie à domicile à un stade avancé ?
    - Quels éléments favorisent le maintien à domicile jusqu’à un stade avancé ?
    - Quelles sont les limites du maintien à domicile à un stade avancé ?
    L’entrée en institution est-elle un choix ou une obligation ? 44
    - L’entrée en établissement d’hébergement est-elle un choix ?
    - Comment éviter les situations de non-choix ?
    - Quand et comment choisir d’entrer en institution ?

    Les EHPAD d’aujourd’hui et la maladie d’Alzheimer 45 Les EHPAD d’aujourd’hui et la maladie d’Alzheimer 45
    - Qu’est-ce qu’un EHPAD ?
    - Les EHPAD sont-ils adaptés à l’accueil de personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée ?
    - Quels principes éthiques le projet d’établissement doit-il respecter ?
    -L’EHPAD doit-il s’adapter ou se spécialiser dans la prise en charge des résidents souffrant de maladie d’Alzheimer ou apparentée ?
    - L’organisation est-elle en cohérence avec ces principes ?
    - Comment répondre en pratique aux principes éthiques destinés à garantir une qualité de vie ?
    - Quelle-est la place des unités spécifiques ?
    Etre en relation : persistance d’une vie affective et émotionnelle 48
    - Les patients conservent-ils une vie émotionnelle et affective à un stade avancé de la maladie ?
    - Quelles en sont les implications, en pratique ?
    Gérer les situations difficiles 49
    - Qu’est-ce qu’une situation difficile ?
    - Quelles sont les situations difficiles et comment les gérer ?
    VI - Fin de vie-------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------50

    Quelles conditions pour la fin de vie des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée ? 50
    - La période de fin de vie peut-elle ou doit-elle être définie ?
    - Quelles sont les spécificités de la fin de vie liées à la maladie d’Alzheimer ?
    Quelle place pour l’expression du malade ? 51
    - Existe-il une expression possible pour la personne démente en fin de vie ?
    - Comment accéder au message exprimé par le malade ?
    - Quelles conditions pour matérialiser la qualité de ce mode de communication ?
    - Comment concilier la parole des professionnels, celle de la famille et celle du malade ?
    Quel accompagnement pour les familles et les professionnels ? 52
    - Quel accompagnement pour les familles ?
    - Quelle formation et quel soutien des personnels pour accompagner la fin de vie ?
    - Quel accompagnement pour les professionnels ?
    Quelles spécificités cliniques ? 53
    - Les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée nécessitent-elles une approche spécifique ?
    - Quels sont les symptômes cliniques qui posent fréquemment des problèmes en fin de vie ?
    - Quels sont les problèmes spécifiques liés à la sédation ?
    - Comment optimiser la démarche clinique ?
    - Quelles sont les conditions de délibération en équipe ?
    Acharnement thérapeutique, abandon, euthanasie : quelles dérives ? 57
    - Quel bien-fondé pour nos actions en matière de traitement ?
    - Quelles dérives ?
    Législation de la fin de vie 60
    Pour conclure -----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------61


    Préface



    A
    A
    vec les progrès des sciences et techniques médicales, notre société est de
    plus en plus confrontée à des maladies graves chroniques plutôt qu’aiguës
    qui, notamment par leur durée, posent la question du sens. Dans la maladie
    d’Alzheimer, à cette question s’ajoute celle de la persistance du sujet en tant
    qu’être humain alors que “l’être doué de raison” vacille. La question du sens de la
    personne humaine requiert une approche et une réflexion éthiques.

    Dans la maladie d’Alzheimer, la réflexion éthique accompagne toute la durée de la
    maladie du diagnostic à la mort. Il y a une exigence de cohérence, de continuité,
    d’anticipation tout au long de ce parcours émaillé de crises difficiles, parfois
    douloureuses, tant pour le malade que pour son entourage. L’accompagnement
    éthique, c’est entrer dans une démarche volontaire, affirmer la permanence de l’être
    humain en toutes circonstances même les plus dégradées, faire le “pari du sens au-
    delà d’un apparent non-sens”, comme nous y invite Louis Ploton.

    L’éthique sert alors de boussole dans les situations difficiles et de cadre de soutien
    dans les conflits.

    Car l’éthique est une démarche qui pose davantage de questions qu’elle n’apporte de
    réponse immédiate ; question sur la place du sujet et sur le respect de la dignité de la
    personne humaine. C’est à partir de ces questionnements que peuvent se construire
    des résolutions de conflits ou d’amélioration des pratiques. Comme le rappelle Didier
    Sicard, “les conflits de valeur qui existent toujours ne peuvent donc être résolus que
    par l’engagement d’une responsabilité consciente, de la nécessité d’une équité”. On
    peut donc, dans un premier temps, rappeler les quatre principes fondamentaux qui
    guident la réflexion éthique.

    Principes d’humanité et de dignité

    Le premier, le principal, est le principe d’humanité, inséparable du principe de dignité.
    Toute personne, quels que soient son état, sa situation et son histoire, a une qualité
    “d’être humain” qui le fait appartenir de sa naissance à sa mort, tous les jours, en toute
    circonstance, à la communauté des êtres humains. Homme ou femme, il a une dignité
    propre et inaliénable qui en fait un être unique. Kant l’énonce dans “Fondements de la
    métaphysique des moeurs” : ce qui a une dignité est ce qui est supérieur à tout prix et
    par suite n’admet pas d’équivalence. Cette dignité essentielle de la personne est
    qualitative et elle ne peut faire l’objet d’aucune quantification ni comparaison, ni
    commerce. Il en résulte ce qu’il appelle un impératif catégorique : “agis toujours de
    telle sorte” que tu traites l’humanité aussi bien dans ta personne que dans la personne
    de tout autre toujours en même temps, comme une fin et jamais simplement comme
    un moyen.

    Il s’agit donc d’un principe universel. Mais en même temps, l’existence de chacun
    s’incarne dans le temps avec un début et une fin et s’inscrit dans une histoire, la sienne
    propre en relation à celle de ses contemporains. Cette incarnation donne à chacun son
    épaisseur humaine. Chacun est le produit de sa propre histoire ; “la vieillesse est un
    héritage”, dit Simone de Beauvoir. Respecter le sujet, c’est considérer l’ensemble des
    éléments constitutifs de sa personnalité tels qu’ils ont été, tels qu’ils sont encore
    maintenant présents, parfois difficiles à entrevoir. Affirmer la permanence du sujet,
    c’est prendre en compte ces éléments repérés au travers de l’histoire de vie. Il convient
    donc de les recueillir et pour la famille d’en porter le témoignage, alors qu’on a
    l’impression qu’ils disparaissent du souvenir.

    8



    Ainsi, quel que soit le stade évolutif de sa maladie, cette personne est un être humain
    unique qui mérite notre attention et notre respect, tout autant pour ce qu’il est
    aujourd’hui que pour les traces de ce qu’il fut. Le principe de dignité et le principe
    d’humanité se complètent à deux niveaux : à un premier niveau, on insistera davantage
    sur l’aspect humanité, le sujet s’incarne dans son histoire propre en relation avec
    l’histoire de ses contemporains et de la société où il vit. Mais cette histoire qui lui donne
    son humanité n’est pas ce qui le rend digne. Cette qualité est indépendante des actes
    et des attitudes du parcours de vie car à un autre niveau, la dignité et l’humanité sont
    un absolu hors du temps propre à chacun.

    C’est sur le socle de ce principe d’humanité et ce principe de dignité que peuvent s’évaluer
    les situations et s’engager les actions de soins et d’accompagnement de ces malades.

    Principe de solidarité

    Le deuxième principe est le principe de solidarité. Selon ce principe, les personnes
    appartenant à la même communauté humaine sont liées par une responsabilité
    collective pour s’accorder une aide mutuelle et une obligation de porter assistance à
    celui qui est atteint par les aléas de la vie. Il s’agit donc d’un principe de civilisation.
    Il permet de créer le lien social, là où des actions volontaires et réfléchies ont pour but
    de corriger les inégalités de la nature. Ce principe est à la base de notre système de
    santé. Il garantit le droit de chacun à la protection de sa santé et à une prise en charge
    quel que soit son âge ou son infirmité.

    Ce principe maintient aussi le lien entre les générations, entre les actifs qui peuvent
    produire et les inactifs qui ne peuvent plus participer au système de production en
    raison de leur âge ou de leur maladie. Mais notre société moderne est ambivalente.
    Elle affirme ses principes de civilisation davantage sur ses performances
    technologiques que sur le lien qu’elle crée entre ses membres. Evidemment, ces
    malades peuvent mettre en cause notre société, très tournée vers la performance.
    Il s’agit de personnes qui n’ont plus aucune “utilité sociale” ce qui, en termes de
    rentabilité économique, pourrait paraître absurde. La maladie démentielle à un stade
    avancé constitue donc un véritable enjeu éthique pour notre société en exigeant de
    maintenir ce lien de solidarité. En effet, au-delà des conditions concrètes de prise en
    charge de la qualité des soins, la reconnaissance de ces êtres affaiblis par la maladie
    est précieuse pour maintenir notre humanité dans son entièreté et pour nous protéger
    des dérives où conduiraient les idoles modernes, culte de la performance, culte de la
    compétitivité, culte du corps, culte de la rationalité et culte du libéralisme économique…

    Principe d’équité et de justice

    Le troisième principe est le principe d’équité et de justice. L’équité et la justice nécessitent
    pour chaque homme la reconnaissance et le respect de ses droits. Dans le cas
    particulier de la maladie, cela requiert un accès au soin, au traitement requis, quelle
    que soit sa situation physique, psychique ou économique, et sans discrimination sur
    l’âge ou le handicap. Cela conduit donc à la vigilance par rapport à l’âgisme, ainsi que le
    rappelle Robert Moulias. En effet, certaines méthodes diagnostiques, certains soins,
    certains services sont peu accessibles simplement en raison de l’âge. Ils deviennent
    inaccessibles si à l’âge s’ajoute une maladie d’Alzheimer. Il faut certainement éviter
    d’imposer à ces malades des circuits diagnostiques complexes ou des soins lourds s’ils
    n’en tirent pas ou peu de bénéfices.


    Préface


    Il faut certes éviter l’acharnement thérapeutique au grand âge, mais les situations
    d’abandon et d’exclusion thérapeutique sont beaucoup plus fréquentes que les
    situations d’acharnement. L’important est de bien poser le problème, de prendre des
    décisions réfléchies et concertées.

    Lorsque ces malades arrivent en fin de vie, il faut apprendre à reconnaître et traiter la
    douleur chez ces personnes âgées peu communicantes.

    Pourtant, actuellement encore, lorsqu’on compare les taux de prescriptions antalgiques
    pour telle ou telle pathologie grave, on constate à un niveau de pathologie identique
    que les malades ayant en même temps une maladie d’Alzheimer reçoivent moins
    d’antalgiques. Ce n’est pas que la maladie d’Alzheimer endurcirait face à la souffrance,
    cela signifie que nous ne savons pas reconnaître la douleur, ou que nous n’y sommes
    pas attentifs. Il y a donc tout un travail de formation à faire auprès des médecins mais
    également auprès des soignants.

    Des progrès ont été faits, en particulier en mettant à disposition des échelles
    d’évaluation non verbales de la douleur qui permettent à la fois de mieux apprécier
    cette douleur et de mieux communiquer en équipe pour la prise en charge de ces
    malades.

    Enfin, appliquer le principe d’équité et de justice ne consiste certainement pas à
    hospitaliser systématiquement ces patients. Mourir à l’hôpital crée souvent des conditions
    d’une mort difficile pour ces personnes qui arrivent dans des services où les soignants
    ne sont pas formés à la prise en charge particulière de la maladie d’Alzheimer.

    Il y a un apprentissage gériatrique pour apprécier les situations où “ne rien faire”
    constitue une perte de chance et les situations où, au contraire, “vouloir faire” se
    rapproche de l’acharnement thérapeutique. Ce savoir-faire gériatrique doit pouvoir
    remonter vers les maisons de retraite, vers le domicile pour ne prendre la décision d’un
    transfert hospitalier qu’à juste titre. Les équipes mobiles gériatriques allant dans les
    EHPAD ou au domicile pourraient aider à ce type d’apprentissage pour des décisions
    mieux appropriées, d’autant plus qu’actuellement, les EHPAD et les USLD, où le
    personnel est un peu plus nombreux, essayent de plus en plus souvent de garder
    jusqu’à la fin ces patients atteints de maladie d’Alzheimer.

    Principe d’autonomie

    Enfin, le quatrième principe est le principe d’autonomie. “Autonomos” pour les cités
    grecques signifiait qu’elles se gouvernaient elles-mêmes, selon les lois qu’elles
    s’étaient données. Le principe d’autonomie exige que chaque individu puisse gouverner
    sa vie librement, prendre lui-même les décisions qui concernent aussi bien les grandes
    orientations de son existence que les actions quotidiennes.

    Appliqué au domaine de la santé, il assure la reconnaissance et le respect de la liberté
    du sujet en particulier, face aux choix thérapeutiques qui peuvent lui être proposés.

    Qu’en est-il quand le sujet est réputé incapable de décider ou de choisir, surtout si cela
    est juridiquement confirmé par une mesure de tutelle ? Quels moyens prend-on alors
    pour connaître quels peuvent être ses souhaits ou sa volonté ? Comment respecter
    cette liberté alors que les décisions que nous prenons pour lui sont importantes, car il
    s’agit souvent de ses conditions d’existence, de son lieu de vie ou de sa fin de vie ?


    Deux dispositions législatives récentes permettent de mieux respecter cette volonté du
    malade en fin de vie, pourvu qu’elle ait pu être anticipée et envisagée lorsqu’il avait
    encore les moyens de s’exprimer. Il s’agit de la loi Kouchner du 4 mars 2002 et de la loi
    Léonetti du 22 avril 2005. La première permet de désigner une personne de confiance
    qui pourra s’exprimer au nom du malade et participer aux décisions le concernant.
    La seconde admet la possibilité de rédiger des directives anticipées quant aux types de
    soins que l’on accepterait et à ceux que l’on refuserait si on est devenu incapable de
    s’exprimer le jour où leur nécessité apparaît.

    Dans la loi du 4 mars 2002, l’article 11 sur l’information des usagers du système de
    santé-expression de leur volonté – L’article 1111-6 stipule : “Toute personne majeure
    peut désigner une personne de confiance qui peut être un parent, un proche ou le
    médecin traitant et qui sera consultée au cas où elle-même serait hors d’état
    d’exprimer sa volonté et de recevoir l’information nécessaire à cette fin”. Cette
    désignation doit être faite par écrit, elle est révocable à tout moment.

    La loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie stipule dans
    l’article 7 : “Toute personne majeure peut rédiger des directives anticipées pour le cas
    où elle serait un jour hors d’état d’exprimer sa volonté. Ces directives anticipées
    indiquent les souhaits de la personne relatifs à sa fin de vie concernant les conditions
    de la limitation ou l’arrêt du traitement. Elles sont révocables à tout moment”.

    Il s’agit là de progrès importants dans le respect de l’autonomie de l’individu malade.
    Le diagnostic de maladie d’Alzheimer est fait de plus en plus fréquemment à un stade
    précoce où les capacités cognitives sont suffisamment préservées pour que le malade
    puisse faire connaître ses volontés pour le futur. Cela suppose une annonce du
    diagnostic claire, avec un soutien permanent et un suivi régulier pour pouvoir envisager
    avec le malade l’évolution de sa maladie avec anticipation et l’inciter à désigner sa
    personne de confiance, voire rédiger les directives anticipées. Ces deux dispositions ne
    sont pas contradictoires, mais plutôt complémentaires, avec une préférence pour la
    personne de confiance qui pourra bénéficier des éclairages nécessaires de la part des
    médecins pour comprendre le problème dans son contexte et participer au dialogue
    pour toute décision thérapeutique difficile.

    L’essentiel est de rechercher la volonté ou les souhaits de la personne malade, et le
    mieux pour cela est de s’adresser à elle, d’être à l’écoute. Cette possibilité de faire
    savoir clairement ce que veut le malade reste présente chez lui à un stade beaucoup
    plus avancé qu’on ne l’imagine d’habitude. Trop souvent, le diagnostic de maladie
    d’Alzheimer disqualifie la parole de la personne malade.

    Et même à un stade très avancé, il persiste toujours une vie psychique. Celle-ci ne
    s’exprime plus de manière rationnelle et les expressions pertinentes deviennent plus
    rares. Par contre, les sentiments et les émotions sont toujours présents. Dans un
    grand nombre de situations, il reste toujours possible de rechercher l’avis de la
    personne, d’essayer de comprendre, d’être à l’écoute, sensible aux messages que la
    personne transmet par les expressions du visage, le ton de voix, le geste. La personne
    malade peut souvent communiquer quelque chose si on apprend à être présent et
    attentif aux expressions non verbales, à décoder ses signaux émotifs et ses réactions.
    Elle peut nous donner des indications sur ses choix et ses préférences (surtout si les
    conséquences sont immédiates).

    Toutefois, il peut y avoir danger à vouloir forcer l’interprétation pour trouver à tout prix
    un sens (qui va forcément dans le sens que je souhaite pour son bien), nous ne


    Préface


    sommes pas créateurs de sens pour l’autre. Avec une certaine qualité d’écoute, nous
    ne pourrons être que les témoins attentifs du surgissement éphémère d’une présence
    qui s’exprime par bribes et fragments, et parfois avec une étonnante pertinence
    symbolique.

    Démarche et recommandation éthiques

    L’éthique est une interrogation, une inquiétude et un “sursaut” devant les situations où
    la personne humaine est menacée dans sa dignité et celles où l’injustice bafoue la
    solidarité. C’est cette prise de conscience qui fait dire à Paul Ricoeur que l’éthique
    précède la loi. Mais l’éthique va aussi se situer en aval de la loi juridique, là où la loi ne
    saurait prendre en compte les particularités et les spécificités des situations
    individuelles. La loi traite par nature de situations générales et dépersonnalisées. Elle
    est hétéronome. Elle impose des contraintes au nom du bien public et s’applique à
    tous. L’éthique ayant “le souci de soi et des autres” (Paul Ricoeur), elle va chercher le
    “meilleur bien” pour l’individu. La démarche éthique guidée par ses principes fondamentaux
    prend ainsi en considération la situation actuelle de la personne en intégrant
    son histoire, sa culture, son contexte de vie, son environnement familial. Ainsi, l’éthique
    ne saurait se résumer à une série de recommandations. Par contre, il est utile pour
    aider à une démarche éthique de produire des recommandations qui peuvent éclairer
    des situations particulières. Le groupe de travail qui propose ici la synthèse des cinq
    colloques “Alzheimer : l’éthique en questions ?” a souhaité garder cette forme de
    questionnement pour chacune des situations évoquées. Ces questions restent donc
    ouvertes et ces recommandations éclairent la réflexion sur un chemin possible.

    Sur le parcours de vie d’une personne atteinte de maladie d’Alzheimer, il y a des
    croisées de chemins qui nécessitent plus particulièrement cet éclairage éthique. Qu’il
    s’agisse des conditions du diagnostic, de son annonce ou du partage de l’information,
    des conditions de vie au domicile ou comment concilier sécurité d’une part et liberté
    d’autre part, de l’irruption des professionnels dans la vie du malade et de sa famille
    avec l’instauration d’un projet de soins et d’un contrat de soins, des conditions du choix
    difficile entre institution ou maintien à domicile lorsque la maladie progresse, des
    conditions d’entrée dans l’institution, de la gestion des crises lorsque la communication
    rationnelle devient très défaillante et enfin, des conditions dans lesquelles se passent
    la fin de vie et l’accompagnement de fin de vie.

    Autant de situations, d’interrogations et de difficultés où le recours au questionnement
    et au cheminement éthique est une nécessité.

    Pour conclure : un engagement, une aventure, une ouverture

    Tout effort, tout travail fait pour rejoindre le malade dans son monde, être à son écoute,
    tenter de communiquer, de comprendre ce qu’il ressent et ce qu’il veut, est une
    attitude qui va dans le sens du respect et de l’autonomie de la personne.

    Devant ces malades fragiles et vulnérables, la démarche éthique demande un
    engagement et une volonté. Elle reste une aventure. Cette démarche éthique nous
    invite à entrer dans une démarche de résistance, comme le dit Emmanuel Hirsch, face
    au rejet économique et social dont sont victimes ces personnes atteintes d’une maladie
    d’Alzheimer, et dans une démarche de résistance vis-à-vis de la rigidité et parfois de la
    maltraitance des institutions.


    La démarche éthique est aussi une démarche d’humilité, de reconnaissance et
    d’acceptation d’une certaine impuissance et de notre propre vulnérabilité face à ces
    malades très dépendants et parfois déroutants.

    La démarche éthique est une démarche d’humanité. Au-delà du handicap psychique et
    de la dégradation physique, le malade reste toujours un être humain à part entière, un
    homme ou une femme qui assume sa part de notre destinée collective dans le malheur
    d’une maladie très invalidante. Cet homme et cette femme, malgré ou plutôt au-delà
    de la maladie, ne cessent jamais d’être nos frères en humanité.

    La démarche éthique est enfin une démarche d’ouverture vers l’amour au-delà de nos
    compétences professionnelles. En maintenant envers et contre tout son statut d’être
    humain unique, nous affirmons la complétude de l’être humain dans toutes ses
    dimensions, y compris les plus vulnérables.

    Ce sujet si fragile et déroutant nous invite à une vraie rencontre humaine. Cette
    rencontre, en nous dépouillant de nos oripeaux professionnels, nous met en présence
    d’un être humain, dans son altérité si différent et si proche, et cette rencontre, cette
    reconnaissance, fait grandir notre humanité commune.

    Professeur François BLANCHARD

    Plusieurs éléments de cette préface ont été extraits
    d’un texte remis pour l’expertise INSERM sur la
    maladie d’Alzheimer et du livre “Alzheimer : vous
    avez dit démence ?” de François BLANCHARD,
    Gérard CHEMLA, René DAVAL, Didier MARTZ,
    Isabella MORRONE, Jean-Luc NOVELLA,
    Elisabeth QUIGNARD, aux Editions Le Bord de l’Eau.


    13



    I - Autour du diagnostic



    Annonce du diagnostic
    LOI DU 4 MARS 2002
    article L 1111.2

    “Toute personne a le droit d’être
    informée sur son état de santé”. Cette
    information porte sur les différentes
    investigations, traitements ou actions de
    prévention qui lui sont proposés (…).
    Cette information incombe à tout
    professionnel de santé dans le cadre de
    ses compétences et dans le respect des
    règles professionnelles qui lui sont
    applicables. (…)
    La volonté d’une personne d’être tenue
    dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un
    pronostic doit être respectée, sauf
    lorsque des tiers sont exposés à un
    risque de transmission.
    Les droits des (…) majeurs sous tutelle
    mentionnés au présent article sont
    exercés (…) par le tuteur. Les intéressés
    ont le droit de recevoir eux-mêmes une
    information et de participer à la prise de
    décision les concernant, d’une manière
    adaptée (…) à leurs facultés de
    discernement (…)”.

    CODE DE DEONTOLOGIE MEDICALE
    décret 95-1000 du 6 septembre 1995

    Article 33 : “Le médecin doit toujours
    élaborer son diagnostic avec le plus
    grand soin, en y consacrant le temps
    nécessaire, en s’aidant dans toute la
    mesure du possible des méthodes
    scientifiques les mieux adaptées et, s’il
    y a lieu, à l’aide de concours appropriés.”
    Article 36 : “Le consentement de la
    personne examinée ou soignée doit être
    recherché dans tous les cas.”

    1 - Faut-il annoncer le diagnostic ?


    Oui, il faut annoncer le diagnostic (Loi du 4 mars 2002, Code de déontologie médicale).
    L’objectif est de chercher à dire la vérité à la personne malade. Si elle en est
    d’accord, le diagnostic sera communiqué à sa famille ou à la personne de son
    choix. L’adhésion de la personne au projet de soins et au traitement n’est
    possible que si le diagnostic a été annoncé. A un stade précoce, les capacités
    cognitives de la personne sont suffisamment conservées pour que la
    compréhension en soit possible. Il est inconcevable que la personne apprenne
    seule le diagnostic en lisant la notice d’un médicament.

    2 - Y-a-t-il un risque à annoncer le diagnostic ?

    Non, sous réserve de traiter préalablement tout état dépressif majeur, par ailleurs
    très rare.

    3 - A qui annoncer le diagnostic ?

    A la personne malade.

    -Si le patient est demandeur et sa famille s’oppose à ce qu’il connaisse le diagnostic,
    annoncer le diagnostic à la personne malade en tenant compte des motifs évoqués
    par la famille. Rechercher et analyser les raisons de l’opposition de la famille et
    tenter de la lever.
    -Si le patient présente des difficultés de compréhension du fait du stade avancé de la
    maladie, il doit pourtant rester acteur et non simple objet de soins. C’est à lui et pas
    seulement à ses proches que le diagnostic doit être annoncé.
    A la famille ou à la personne de confiance avec l’accord de la personne.

    - Le fait d’accepter d’être accompagné à la consultation par cet aidant pourrait signifier
    un accord implicite pour ce partage.
    -Si le patient est indifférent et n’exprime pas de demande, vérifier qu’il n’est pas opposé
    à l’annonce du diagnostic à sa famille.
    -Si le patient refuse que le diagnostic soit communiqué à sa famille, rechercher les motifs de ce
    refus et tenter de lever ses réticences en lui expliquant l’utilité de partager ce
    diagnostic avec un proche de son choix (importance des aides apportées par
    l’entourage lors de l’évolution de la maladie). Si le refus persiste, aborder de
    nouveau cette question au cours du suivi.
    Aux soignants avec l’accord de la personne. Le diagnostic est alors partagé avec tout
    soignant amené à prodiguer des soins à la personne, le soignant étant informé des
    éléments diagnostiques nécessaires à des soins de qualité.

    Au médecin traitant, et rapidement. Il est fortement impliqué par sa proximité avec le
    malade. Cette information lui permet de partager l’annonce du diagnostic et le suivi.

    4 - Qui annonce le diagnostic ?

    Un des médecins impliqués dans l’élaboration du diagnostic. Le médecin qui a construit
    le diagnostic est responsable de l’annonce de celui-ci et du suivi ultérieur de la personne.

    14



    5 - Comment annoncer le diagnostic ?


    L’annonce du diagnostic est faite en prenant en compte l’histoire de vie du patient, sa
    représentation de la maladie et ses craintes, ce qui peut nécessiter un travail préalable
    avec le médecin traitant et la famille.

    L’annonce ne se fait pas en une seule fois. Il est souvent utile de répéter à des moments
    différents ce diagnostic. L’annonce du diagnostic ne revêt pas un caractère d’urgence et
    peut être délivrée en plusieurs étapes selon la réceptivité de la personne.

    Elle ne peut être envisagée en dehors d’un suivi du patient, de l’aidant principal et des
    proches 1 .

    Dépistage et diagnostic précoce
    1 - Quelles maladies dépister et comment ?


    Pour qu’une campagne de dépistage soit justifiée, il faut que la maladie à dépister réponde
    aux conditions suivantes :

    -il existe un stade pré-symptomatique de la maladie ;
    -des outils de dépistage validés sensibles, spécifiques, reproductibles et acceptables
    économiquement et éthiquement sont disponibles ;
    -le dépistage de la maladie à un stage pré-symptomatique doit modifier significativement
    le cours ou les conséquences de la maladie.

    La campagne se fait en invitant de façon systématique la population générale ayant l’âge
    concerné à faire les tests de dépistage.

    2 - Le dépistage a-t-il un intérêt dans la maladie d’Alzheimer ?

    Non, dans l’état actuel des connaissances et avec les moyens actuels du système de
    santé, le dépistage de la maladie d’Alzheimer ou apparentée n’est pas recommandé.
    Aucune conférence de consensus ne recommande le dépistage (U.S. Preventive Services
    Task Force, American Academy of Neurology, Canadian Task Force on Preventive Health Care,
    Direction générale de la Santé, Consensus européen sur la maladie d’Alzheimer). Les études sur
    l’intérêt du dépistage dans la maladie d’Alzheimer sont peu nombreuses et insuffisamment
    pertinentes sur le plan méthodologique.

    3 -Le diagnostic précoce a-t-il un intérêt dans la maladie d’Alzheimer ?

    Oui, le diagnostic précoce est recommandé dans la maladie d’Alzheimer, uniquement s’il
    est accompagné d’un engagement de prise en charge. La mise en place précoce de
    thérapeutiques, d’une prise en charge et d’un accompagnement assure une meilleure
    qualité de vie aux patients et aux aidants sur un temps plus prolongé, et retarde l’entrée
    en institution.

    Pour la mise en place précoce d’une prise en charge adaptée du patient (prise en charge
    cognitive, prévention des complications médicales, prévention des conséquences
    sociales, désignation par le malade d’une personne de confiance, directives anticipées,
    protection juridique, traitements, etc.).

    DEFINITIONS
    Dépistage


    Le dépistage consiste à mettre en place
    une ou des campagnes d’examens
    systématiques en population générale
    pour diagnostiquer une maladie à un
    stade non symptomatique. Le résultat de
    ces campagnes doit ensuite être évalué.

    Diagnostic précoce

    Le diagnostic est précoce quand il est
    fait à un stade pauci-symptomatique
    (avec très peu de symptômes) de la
    maladie. Il se fait chez des sujets ayant
    recours au système de soin (et non par
    examen systématique en population
    générale), qu’il s’agisse de consulter son
    médecin généraliste ou d’autres consultations
    ou d’hospitalisations. Il y a donc
    une demande de la part du patient (ou
    de son entourage), le plus souvent pour
    une gêne ou une plainte mnésique.

    1 voir chapitre : “Suivi après l’annonce du diagnostic”

    15



    I - Autour du diagnostic


    Pour un accompagnement familial précoce.
    Le diagnostic précoce permet de donner une information plus objective à la famille sur
    la maladie, à un moment où le malade est à un stade pauci-symptomatique 1 et
    communique encore avec ses proches. Il permet aussi de prévenir l’épuisement
    familial par la mise en place précoce et progressive des aides et soutiens nécessaires.

    4 - Dans quelle population et avec quels outils le diagnostic précoce
    doit-il être fait ?

    Le diagnostic précoce doit être proposé :

    -aux personnes exprimant une plainte mnésique réelle ;
    -aux personnes chez lesquelles l’entourage remarque l’apparition ou l’aggravation de
    troubles mnésiques et/ou un changement psycho-comportemental (apathie,
    désintérêt, agressivité, dépression, désinvestissement, changement ou trouble du
    caractère, trouble du comportement, etc.) ;

    - aux patients venant consulter ou étant hospitalisés pour une pathologie qui peut être
    reliée aux troubles cognitifs (chute, accident vasculaire cérébral, perte d’autonomie, etc.).
    Les outils doivent être simples, sensibles, validés, de passation rapide. Il est nécessaire
    d’évaluer les fonctions cognitives et l’autonomie.

    5 - Faut-il annoncer le diagnostic à un stade pré-clinique
    (Mild Cognitive Impairment) ?

    Oui, le Mild Cognitive Impairment (MCI) justifie un suivi régulier, bien qu’il demeure
    aujourd’hui une entité dont les caractéristiques ne sont pas totalement fixées. A défaut
    d’être retenu comme le stade le plus précoce d’une pathologie démentielle, il constitue
    au moins un facteur de risque important d’évolution défavorable et doit être explicité
    comme tel au patient.

    6 - Quels sont les freins au diagnostic précoce ?

    Les freins sont multiples, d’ordre à la fois social et médical :

    -La maladie est encore parfois méconnue : banalisation des symptômes rapportés à
    l’âge, par la personne et son entourage, voire par les médecins ; sensibilisation et
    formation des médecins encore insuffisante.

    -Elle est encore une maladie tabou, qui fait peur. Elle est source d’exclusion, de
    rupture des liens sociaux.

    -Autres facteurs : âge avancé, isolement social, précarité, déficit sensoriel, polypathologie
    qui masque les symptômes, etc.

    7 - Quels sont les moyens d’améliorer la précocité et la qualité
    du diagnostic ?

    Informer la population sur la maladie d’Alzheimer (par des campagnes d’information
    grand public ou ciblées) afin de changer l’image de la maladie.

    Améliorer la formation, initiale et continue, des médecins généralistes et spécialistes,
    et des formateurs médicaux et paramédicaux.

    Développer des partenariats entre professionnels concernés (complémentarité des
    compétences).


    Favoriser le repérage des premiers symptômes par le médecin généraliste, par une
    évaluation cognitive initiale, à la suite de laquelle il peut adresser le patient à bon
    escient vers une consultation spécialisée.

    Maintenir le principe du libre choix du patient et de sa famille et la possibilité d’un accès
    direct à une consultation spécialisée, car certains médecins refusent d’adresser les
    patients, croyant que les pertes de mémoire liées à l’âge sont inéluctables.

    Génétique et hérédité
    1 - Le dépistage génétique a-t-il un intérêt ?


    Non, en l’état actuel des connaissances, le dépistage génétique ne présente aucun intérêt.

    2 -Quel peut être l’apport de la génétique pour établir un diagnostic ?

    En pratique courante, en dehors des cas génétiques familiaux, la génétique n’a aucun
    intérêt diagnostique. La présence de l’allèle epsilon 4 du gène de l’APO-E, associée à
    une augmentation du risque de développer une maladie d’Alzheimer, n’apporte rien en
    termes de diagnostic par rapport aux tests neuropsychologiques.

    3 -Que proposer lors de la survenue d’une forme génétique familiale ?

    En cas de forme génétique familiale de maladie d’Alzheimer, une consultation génétique
    doit être proposée.

    4 - Que proposer à une famille dont plusieurs membres sont atteints ?

    Il peut être proposé aux membres par ligne directe d’une telle famille de bénéficier
    régulièrement d’une consultation de repérage des troubles cognitifs, en adaptant le
    rythme du suivi à l’âge de début observé dans l’histoire familiale.

    5 - Quand faut-il aborder la notion d’hérédité ?

    GENETIQUE - RAPPELS ET DEFINITIONS

    • Les formes familiales se définissent
    par la présence d’au moins 50% de
    personnes atteintes par génération,
    sur trois générations, la maladie
    débutant avant 50 ans. Elles représentent
    2% des cas de maladie
    d’Alzheimer. Dans ces cas, une
    mutation génétique est responsable de
    la maladie.
    • Dans plus de 90% des cas, le risque de
    développer une maladie d’Alzheimer
    est attribuable pour moitié à des
    facteurs génétiques et pour moitié à
    des facteurs environnementaux (âge,
    hypertension artérielle, etc.), dont la
    plupart restent inconnus.
    • A ce jour, le seul facteur de risque
    génétique reconnu est le gène de
    l’apolipoprotéine E (APO-E).
    Cette notion sera abordée dans le cadre du suivi et, bien évidemment, sur demande des
    personnes apparentées.

    6 - Quels sont les pistes de recherche et les résultats attendus ?

    Les progrès de la génétique feront évoluer les critères de dépistage, de diagnostic et
    de traitement de la maladie.

    Le prélèvement de cerveau sur les personnes décédées permet de confirmer ou
    infirmer un diagnostic. Il est essentiel à tout projet de recherche sur la maladie
    d’Alzheimer. Les progrès de la génétique dépendent fortement de ces dons, qui
    pourraient être encouragés. 1 avec très peu de symptômes

    17



    I - Autour du diagnostic


    Diagnostic à un stade évolué de la maladie
    1 - Le diagnostic à un stade tardif a-t-il un intérêt ?


    Oui, car connaître le diagnostic, même à un stade tardif, permet une meilleure prise en
    charge. A tous les stades de la maladie, au domicile comme en EHPAD, une prise en
    charge médico-psycho-sociale est possible 1 .

    Oui, car le diagnostic soulage souvent les proches en leur permettant de mettre des
    mots sur leur expérience passée et présente.

    2 - L’annonce du diagnostic à un stade tardif a-t-elle
    des particularités ?

    Oui, du fait des troubles cognitifs et des difficultés de communication du patient.
    Annoncer le diagnostic à ce stade nécessite une écoute particulière du patient, un choix
    soigneux des mots et une prise en compte de ses capacités de communication.

    Oui, car le diagnostic est alors souvent annoncé lors d’une situation de crise, notamment
    à l’occasion d’une hospitalisation en “catastrophe”, et donc dans un contexte de stress
    important, de fatigue, voire de burn-out de l’aidant principal. Faute d’un accompagnement
    antérieur, des décisions souvent difficiles et douloureuses pour le patient et
    sa famille doivent alors être prises dans l’urgence.

    Suivi après l’annonce du diagnostic
    1 -L’annonce du diagnostic doit-elle être accompagnée ?


    Oui, l’annonce du diagnostic doit toujours être accompagnée. En effet, la survenue de la
    maladie est un choc émotionnel pour le patient et pour ses proches, qui se concrétise
    lors de l’annonce diagnostique et qui s’inscrit dans un contexte de stress et
    d’inquiétude. La qualité de la relation, lors de l’annonce, influera sur la qualité du suivi
    du patient et de la famille.

    En annonçant le diagnostic, le médecin s’engage vis-à-vis du patient et de son entourage
    proche : il les accompagnera et assurera un suivi durant toute la maladie.

    L’annonce du diagnostic s’accompagne systématiquement d’une proposition de projet de
    soins pour le malade et d’accompagnement, pour lui et à sa famille 2. La présentation
    d’éléments positifs vis-à-vis de l’avenir (effets positifs des traitements, existence de
    programmes de prise en soins) est rassurante.

    2 - Comment s’assurer de la compréhension du diagnostic
    et du projet de soins par le patient ?

    Savoir accepter le malaise potentiel qui suit l’annonce et respecter le silence du patient.

    Explorer le vécu, la perception, les représentations qu’a le patient de sa maladie et de
    ses troubles (expériences antérieures dans la famille ou l’entourage) car ils sont autant
    de facteurs qui peuvent soit freiner, soit favoriser la bonne compréhension du diagnostic
    et l’adhésion au projet de soins. Cela permet aux soignants de comprendre le point de
    vue du patient et de son entourage : “Il n’est pas fou, il ne perd pas la tête, mais il
    souffre d’une maladie neurologique”.


    Etre loyal et toujours dire les choses en présence du malade. “Ne rien dire qui ne soit vrai”
    et “ne pas supprimer tout espoir” 3 .

    Prendre son temps, révéler la vérité par étapes, sans précipitation, permet de ne pas
    générer de situation de rupture et d’atténuer les bouleversements affectifs. Il ne faut
    pas submerger le patient d’informations et d’explications dès la première consultation.

    Privilégier l’échange oral pour informer le patient et ne pas se contenter de remettre des
    documents écrits.

    Aménager des temps spécifiques pour le patient, pour l’aidant et pour le couple
    patient/aidant. La prise en soins du patient étant pluridisciplinaire, ces temps spécifiques
    peuvent être assurés par les différents professionnels de santé qui y participent.

    Développer les réseaux autour des consultations mémoire et y inclure les médecins
    généralistes. Cela permettra d’assurer un suivi plus solide, plus proche et personnalisé,
    et évitera les retours intempestifs ou trop rapides vers les consultations mémoire.

    3 - Comment s’assurer de la compréhension du diagnostic
    et du projet de soins par la famille et les proches ?

    Le soignant doit consacrer une attention particulière à ceux qui assurent le rôle d’aidant
    naturel. La rencontre avec la famille demande un temps de dialogue, un temps de

    1 voir chapitre : “Projet de soins et contrat de soins”

    symbolisation de son histoire.

    2 voir chapitre : “Projet de soins et contrat de soins”
    Le temps de la consultation peut se prolonger en donnant un numéro de téléphone de 3 B. Hoerni. Information et consentement. Bull Acad
    recours (numéro d’un professionnel identifié plutôt qu’un numéro vert anonyme). Natl Med 1998;182:545-550.

    19



    1 voir encadré “Législation”

    II - Etre malade



    et vivre à domicile


    Tant que le patient a encore sa raison,
    comment peut-il prévoir son avenir ?
    1 - Faut-il favoriser l’expression de la volonté de la personne
    malade ?

    Oui, pour préserver et respecter au mieux la volonté de la personne malade, notamment
    en prévision de la période où elle ne sera plus en état d’exprimer cette volonté et afin
    de ne pas reporter alors tout le poids des décisions sur d’autres. Après le choc de
    l’annonce d’un diagnostic difficile, permettre à la personne malade d’exprimer sa
    volonté et ses choix de vie est une manière de lui signifier qu’elle est une personne à
    part entière et qu’elle le restera jusqu’à la fin.

    L’importance donnée à la faculté de choisir prime les moyens.

    2 - Quels sont les moyens dont la personne âgée dispose pour
    exprimer sa volonté ?

    Les directives anticipées ou testament de vie (loi du 4 mars 2002) 1 .

    La désignation d’une ou de plusieurs personnes de confiance (loi du 4 mars 2002)1 .

    La gestion des biens peut être organisée sur demande de la personne malade (de
    préférence par mandat déposé chez un notaire). Elle peut choisir la personne chargée
    de gérer son patrimoine.

    3 - Qui est la personne de confiance et quels sont ses engagements ?

    La personne de confiance est désignée par le malade, qui a la possibilité de réviser ce
    choix à tout moment. Elle peut être un proche ou le médecin de famille. Mais le malade
    peut aussi répartir les tâches entre plusieurs personnes selon les centres d’intérêt et
    les compétences de chacune (gestion du patrimoine, vie quotidienne, santé, etc.).

    La personne de confiance doit donner son accord et ne sera pas rémunérée pour sa
    mission.

    La personne de confiance est proche de la personne malade. Elle connaît bien son
    histoire de vie, ses valeurs personnelles. Elle est donc capable de lui apporter le
    soutien affectif nécessaire, de l’accompagner, d’être son porte-parole au fur et à mesure
    de l’évolution de la maladie, et de s’assurer, s’il y a lieu, du respect des directives
    anticipées, dont elle peut être le dépositaire.

    En cas de demande de protection juridique, le juge n’est pas tenu de nommer la
    personne de confiance comme tuteur.

    20



    4 - Quelle place donner aux directives anticipées ?


    Les directives anticipées sont un des moyens dont dispose la personne malade pour
    exprimer et faire respecter ses volontés, ses choix de vie et de fin de vie et, ainsi, rester
    acteur de sa propre vie jusqu’au bout. Elles doivent être exprimées par la personne elle-
    même, aidée, si elle le souhaite, par la personne de confiance ou tout autre individu de
    son choix. Elles doivent être stipulées par écrit, voire déposées chez un notaire, et sont
    modifiables à tout moment. Les proches peuvent être informés de ces directives sur
    demande de la personne. Elles sont une invitation au dialogue avec les proches et les
    professionnels qui suivent la personne malade.

    Plus les instructions inscrites dans une directive anticipée seront précises et détaillées,
    sans ambiguïté d’interprétation, mieux les équipes de soins pourront les appliquer.
    Elles peuvent mentionner :

    -les valeurs philosophiques, religieuses et culturelles de la personne ;
    -les personnes admises ou non dans l’environnement proche de la personne ;
    -le choix des professionnels ;
    -le choix du lieu de vie et le choix de l’établissement d’accueil s’il y a lieu ;
    -le choix du tuteur pour la gestion des biens et du patrimoine ;
    -l’autorisation ou non de recourir à certaines techniques de soin (dialyse, sonde de
    nutrition, gastrostomie, etc.) ;
    -les souhaits quant aux traitements et à la fin de vie ;
    -les modalités des obsèques ;
    -le désir éventuel de faire un don d’organes et/ou un don du corps à la science.
    Elles ne peuvent pas tout prévoir. Elles ne doivent donc pas être considérées comme
    figées et s’imposer sans possibilité de remise en question. Il s’agit bien d’une
    expression relative à un moment donné, le malade pouvant évoluer dans ses choix au
    fil de l’évolution de la maladie. Des révisions doivent être possibles, tant de la part de la
    personne que de celle de son entourage ou des professionnels si les désirs, les
    injonctions du passé sont devenus impossibles à tenir.

    Comment concilier sécurité et liberté à domicile ?
    1 - Les limitations de liberté de la personne malade peuvent-elles se
    justifier ?

    Oui, si la personne malade, présentant des incapacités manifestes, représente un danger
    pour elle-même ou pour les autres. Ce risque doit, dans un premier temps, être repéré
    et évalué. Selon les cas, il peut justifier une limitation de la liberté de la personne, qui
    sera strictement adaptée à ce risque.

    2 - Peut-on convenir d’un niveau de risque acceptable ?

    Le niveau de risque acceptable (ou le seuil de tolérance) varie en fonction des valeurs
    de chacun (notions de tolérable ou d’intolérable, de danger, d’atteinte à l’intégrité de la
    personne), des situations et de l’histoire de la relation. Pour les aidants familiaux, par
    exemple, il variera en fonction du déni ou non des troubles, des difficultés du malade.

    Apprécier le danger réel pour chaque situation à risque (par exemple, comportement
    adapté ou non pour traverser les rues, aide possible de la part des commerçants et des
    voisins, etc.).


    II - Etre malade et vivre à domicile


    3 - Qui met en place ces limitations de liberté ?


    Si besoin, ne pas hésiter à faire intervenir un tiers dans la relation patient/aidant pour
    dédramatiser, permettre de prendre du recul, réévaluer, proposer de nouvelles aides
    avec des objectifs réalistes. En effet, à partir d’un certain stade évolutif de la maladie,
    et notamment lorsque la personne vit seule, l’équilibre bénéfice/risque est parfois
    difficile à trouver.

    A un stade avancé de l’évolution de la maladie, du fait du handicap et de la réduction
    d’autonomie, certaines décisions sont imposées à la personne (arrêt de la conduite
    automobile, aide à la gestion du budget, voire entrée en institution). De telles décisions
    doivent être réfléchies, au mieux collectivement, avec l’entourage et les soignants, de
    façon interdisciplinaire.

    Les décisions difficiles sont prises en équipe, avec l’entourage, les professionnels
    intervenant à domicile, voire l’équipe hospitalière. Certains choix peuvent s’avérer
    difficiles car ils doivent concilier l’autonomie restante et la sécurité chez une personne
    devenue anosognosique 1 .

    4 - Quelle place donner à la parole du malade dans ces décisions
    de restriction de liberté ?

    1 Personne qui n’a pas conscience de sa maladie
    et/ou de ses troubles

    Chaque fois qu’est envisagée une restriction de liberté, elle doit, dans la mesure du
    possible, être discutée avec la personne malade et consentie par elle, même si elle n’en est
    pas à l’initiative. Il s’agit de lui permettre des choix et des risques, qui doivent être
    acceptés par l’entourage et les professionnels.

    Quand la personne malade n’est plus capable de participer à la décision ni de communiquer,
    une bonne connaissance de sa personnalité, de ses valeurs de vie permet de proposer
    des choix adaptés. Certains éléments de la vie quotidienne ont pour certaines personnes
    une valeur symbolique très forte (clefs, argent, chéquier, carte bancaire, etc.) qu’il ne faut
    pas négliger. Il faut associer la personne malade aux discussions en évitant de la mettre en
    situation d’échec, lui dire la vérité sur les changements apportés, expliquer et répéter,
    en tenant compte de la symbolique du langage.

    En cas de difficulté, il est souhaitable de recourir à une tierce personne (médiateur ou
    personne de confiance), notamment pour faire respecter les choix de la personne
    malade.

    5 - Quelles limitations de liberté sont envisageables ?

    L’idéal est d’encadrer plutôt que de restreindre.

    Rester vigilant car certaines interventions décidées dans l’optique de bien faire peuvent
    devenir invasives, porter atteinte à l’intimité et à la pudeur de la personne malade,
    développer chez elle des idées de persécution et entraîner une surcharge émotionnelle
    et affective très forte (aide à la toilette, confiscation des clefs de la voiture ou de la
    maison, etc.).

    A domicile, des mesures plus ou moins contraignantes visant à protéger et préserver la
    personne malade sont possibles :

    -aménagement du cadre de vie : suppression du gaz, aménagement de l’éclairage,
    sécurisation des fenêtres en étages, fermeture du jardin, digicode ;
    -aménagement des conditions de vie : gestion des sorties, de l’argent, prévention de
    l’isolement social ;

    -organisation de la circulation dans le domicile pour éviter les accidents et

    l’enfermement ;

    -mise en place d’aides pour les besoins élémentaires : prise de médicaments,

    toilette, alimentation (surveillance des denrées alimentaires), tout en respectant les

    habitudes antérieures.

    Les mesures de protection juridique.
    Dans un second temps et le plus souvent à un stade déjà évolué de la maladie, des
    mesures de protection juridique peuvent être mises en place. Même si elles sont
    nécessaires, elles peuvent être vécues comme une privation arbitraire de liberté
    (retrait du carnet de chèques, perte des droits civiques, etc.) par la personne malade.
    Par ailleurs, elles n’empêchent pas d’informer le malade de toute décision le concernant
    et de tenir compte de son avis, dans la mesure du possible, notamment dans trois
    domaines importants : la vente de biens, le consentement aux soins, le choix du lieu de vie.

    Le travail des professionnels en interdisciplinarité peut permettre de donner un cadre
    construit à certaines restrictions de liberté

    6 - Quelle liberté pour les aidants familiaux ?

    L’accompagnement au quotidien d’un parent souffrant de maladie d’Alzheimer ou
    apparentée est souvent vécu comme une limitation de liberté, ne permettant plus de
    vaquer aux diverses activités antérieures, limitant les relations sociales.

    Proposer des aides, des solutions de répit permet de leur redonner une certaine liberté.

    Déplacement dans la cité :
    quelle liberté pour quelle sécurité ?
    1 - Qu’est-ce que la liberté de déplacement ?


    Pour un citoyen, être libre de se déplacer dans la cité signifie pouvoir se rendre où il veut,
    quand il veut, de façon autonome.

    2 - A quels risques expose la maladie d’Alzheimer, si cette liberté est
    respectée ?

    Risque d’accident

    -Que la personne conduise sa voiture ou se déplace à pied, les altérations cognitives
    liées à la maladie l’exposent à un risque d’accident supérieur à celui strictement lié
    à l’âge1 .
    -La conduite automobile d’un patient atteint de maladie d’Alzheimer représente un
    risque potentiel accru pour lui-même et pour les autres, du fait de l’altération des
    facultés d’attention, des praxies et des fonctions visuo-spatiales. La planification des
    tâches devient difficile, notamment en cas d’imprévu, en situation d’urgence. Ce risque
    est pourtant atténué par le fait que le conducteur âgé réduit souvent spontanément
    son exposition aux risques (diminution du nombre de kilomètres parcourus,
    restriction des déplacements aux trajets courts et/ou familiers, conduite
    uniquement de jour et en dehors des heures de pointe). Certaines personnes même
    atteintes de démence légère conservent une conduite sûre.
    Risque de perdre son chemin.

    1 Fitten LJ et al. Alzheimer and vascular dementias
    and driving. A prospective road and laboratory study.
    JAMA 1995;273:1360-1365.
    Duchek J et al. Longitudinal driving performance in
    early-stage dementia of the Alzheimer type.
    J Am Geriatr Soc 2003;51:1342-1347.

    23



    II - Etre malade et vivre à domicile


    3 - Comment tenter de réduire les risques liés au déplacement
    dans la cité ?

    Améliorer la tolérance de la société vis-à-vis de certains comportements erratiques,
    et encourager les citoyens à aider les personnes désorientées (éducation citoyenne).
    D’une façon générale, une véritable éducation de l’automobiliste serait nécessaire,
    même si la notion de priorité des piétons, y compris en dehors des passages protégés,
    est discutable.

    Recourir à certaines technologies :

    -Certains outils permettent de limiter les déplacements (digicode, écran tactile…), en
    empêchant les sorties non accompagnées.
    -Certaines technologies sont facilitantes. Le GPS, par exemple, pourrait permettre de
    sécuriser le déplacement des personnes désorientées sans les stigmatiser.

    Se méfier de certains moyens techniques (caméra, bracelet électronique, puce de
    surveillance, etc.) qui peuvent constituer de véritables outils de privation de liberté,
    même si l’intention initiale est présentée comme un progrès technique ou une intention
    bienveillante. Leur utilisation impose une réflexion éthique préalable.

    Toujours avertir la personne malade des moyens utilisés et des buts recherchés, et lui
    garantir la possibilité de refuser.

    4 - Comment tenter de réduire les risques spécifiques liés à la
    conduite automobile ?

    Le copilotage est une solution pertinente. En effet, si les réflexes de conduite restent
    longtemps gérés par la mémoire procédurale, la présence du copilote permet
    d’anticiper les difficultés et d’observer le comportement, en situation, de la personne
    malade.

    Aider le conducteur par des améliorations de la signalétique routière et urbaine,
    voire des aides techniques d’assistance à la conduite (sujets de recherche possibles).

    5 - Peut-on envisager un dépistage des difficultés et des adaptations
    du permis de conduire ?

    Oui, des adaptations du permis de conduire sont envisageables mais se heurtent aux
    difficultés d’évaluation des capacités du patient. Les tests cognitifs utilisés en pratique
    courante sont peu adaptés au dépistage des difficultés interférant avec la conduite
    automobile. Il existe une différence entre aptitude et comportement. Les fonctions
    altérées, notamment praxiques, seront mieux explorées par une mise en situation, par
    des professionnels (moniteur d’auto-école), en insistant sur la gestion des tâches
    imprévues (conduite en condition réelle ou simulateur de conduite).

    Plusieurs propositions peuvent être envisagées :

    -Permis gradué (à l’instar du permis bateau), en fonction des capacités observées,
    autorisant des distances plus ou moins longues et selon les conditions de trafic.
    -Examen systématique obligatoire mais qui ne devrait alors pas dépendre de la seule
    condition d’âge (discrimination).
    -Contrôle des aptitudes à la demande du patient.

    6 - Peut-on empêcher un malade de conduire ?
    Quel est le rôle du médecin ?

    Oui, certaines situations deviennent objectivement dangereuses et la conduite doit être
    alors vivement déconseillée. Les situations de déni absolu des troubles, relativement rares,
    doivent être gérées individuellement.

    Le rôle du médecin :

    -Mission de conseil, de soutien et d’accompagnement auprès du patient et de son entourage.
    L’argumentation est consignée par écrit dans le dossier, transmise le cas échéant
    aux autres acteurs de santé concernés, et, au besoin les conseils sont signifiés par
    écrit au patient.
    -Le médecin n’est pas tenu de rédiger un certificat médical imposant l’arrêt de la conduite
    automobile, car ce n’est pas son rôle.
    7 - Quelles alternatives à la conduite automobile ?

    Il existe le plus souvent des alternatives à la conduite automobile, qui dépendent
    fortement du lieu de vie du patient (milieu urbain ou rural) et du tissu social dans lequel
    il évolue.

    Les transports en commun constituent une alternative à la conduite automobile. Il
    faudrait pourtant envisager des adaptations pour les personnes atteintes de troubles
    cognitifs, comme cela a été fait pour le handicap physique. Il serait utile de réfléchir
    avec les professionnels du transport sur leur perception du problème et sur les
    solutions envisageables.

    Des services de transport privés (mini-bus, taxi à la carte, etc.) sont proposés dans
    certains endroits.

    Place de l’entourage familial dans
    la prise en charge
    1 - Quel est le rôle de la famille dans la prise en charge ?


    Le rôle des aidants familiaux est celui qu’ils veulent ou peuvent se donner. Pour
    l’entourage, l’irruption de la maladie et du malade n’est pas toujours perçue comme
    une obligation nouvelle, un devoir à remplir. Aussi faut-il bien distinguer la contrainte à
    laquelle on doit céder et l’obligation, de nature morale, qu’on choisit ou non de remplir.

    Au domicile, de façon générale, la famille fournit la grande majorité de l’aide et
    constitue le pivot du réseau de soutien, informel (familles et proches) et formel (aides
    professionnelles). Le réseau d’aides informelles se constitue selon des règles tacites,
    des logiques familiales et relationnelles modulées par l’affectivité, la proximité,
    l’histoire familiale, la réciprocité et le sens du devoir.

    La prise en charge familiale repose classiquement sur une seule personne (aidant
    principal), le plus souvent le conjoint ou la fille, et ce, même si le réseau d’aidants
    potentiels est dense. Cet aidant familial principal est une femme dans les trois quarts
    des cas. Les hommes assurent plus facilement le rôle d’aidant secondaire ou de coaidant.



    II - Etre malade et vivre à domicile


    2 - Les familles sont-elles des soignants ?


    Pour certains actes de la vie quotidienne et si elles le souhaitent, les familles peuvent
    apporter des soins, sous réserve d’être capables de reconnaître leurs limites et d’accepter les
    conseils de professionnels.

    Classiquement, on distingue les aides informelles, assurées par la famille et les
    proches, et les aides professionnelles. En pratique, la répartition des tâches est
    relativement floue et très dépendante des ressources locales et financières,
    notamment pour la toilette, les changes, l’aide à l’alimentation.

    3 -Quels sont les facteurs de risque d’épuisement de l’aidant familial ?

    Les facteurs prédictifs d’épuisement sont bien identifiés et doivent être recherchés, car
    il est difficile pour l’aidant de prendre conscience de ses limites :

    -la désignation implicite d’une personne comme aidant principal potentiel du fait
    d’une plus grande disponibilité supposée : enfants célibataires et/ou n’ayant pas
    d’activité professionnelle, proximité géographique ;
    -l’âge avancé et l’état de santé précaire de l’aidant ;
    -une situation conflictuelle avec les autres membres de la famille ;
    -l’isolement avec sensation d’enfermement dans le rôle d’aidant et de restriction de
    la vie personnelle ;

    -l’ambition de vouloir tout faire et tout normaliser, parfois en rivalité avec les soignants ;
    ou alors, à trop vouloir masquer ou se cacher la réalité de la maladie, certains aidants
    ont du mal à admettre leurs besoins, à accepter pour leur parent une aide à domicile ;
    -l’incapacité de se projeter dans l’avenir, devant l’aggravation progressive de l’état de
    santé de son parent, avec un sentiment d’impuissance et/ou de culpabilité ;
    -les traumatismes provoqués par l’inversion des rôles parent/enfant et par la non-
    reconnaissance des proches par la personne malade ;
    -l’ambivalence entre désir de vie et désir de mort ;
    -le sentiment de honte face aux comportements de son parent qui échappent aux
    normes ;

    -le ressentiment face à des conduites inadaptées du parent malade, ne correspondant
    pas à sa personnalité antérieure ;
    -un temps important de présence quotidienne consacré à l’aide alors que la prise en
    charge dure depuis plusieurs mois, voire des années ;

    -le deuil anticipé d’une personne pourtant toujours vivante ;
    -les problèmes matériels, notamment un habitat inadapté.
    Certains symptômes et attitudes de l’aidant sont des signes d’alerte d’un risque
    d’épuisement :

    -tristesse, anxiété, pleurs, découragement ;
    - diminution des activités sociales et de loisirs et rupture progressive avec l’entourage
    amical, avec le voisinage ;
    - fatigue ;
    -accumulation de petits problèmes de santé ;
    -agressivité, irritabilité ;
    -repli sur soi ;
    -mauvaise qualité du sommeil.

    Le rôle de tout professionnel de santé est de prévenir et de repérer ces situations,
    d’aider l’aidant à prendre conscience de son épuisement, des risques pour sa santé et
    pour celle du patient. L’épuisement de l’aidant est un facteur de risque majeur de
    maltraitance de la personne malade. Le soignant doit proposer des réponses, de façon
    concertée avec les autres professionnels, notamment des solutions alternatives
    temporaires qui permettent de dépasser des périodes critiques même si elles ne
    règlent pas le problème de fond 1 .

    4 - Comment agir avec une famille qui refuse d’être aidée à
    domicile ?


    En cas de refus d’aide pour un besoin avéré, l’intrusion de professionnels dans la vie
    familiale ne peut se justifier qu’en cas de maltraitance. Les relations entre la famille et le
    patient sont inscrites dans une longue histoire et ils sont chez eux à domicile. Le rôle des
    professionnels est d’écouter, de conseiller, d’expliquer, d’anticiper les difficultés.

    Jusqu’où les aidants professionnels peuvent-ils
    se substituer au malade et à sa famille ?
    1 - Quelles sont les conditions nécessaires à une intervention
    adaptée des professionnels à domicile ?

    La qualité de l’intervention est garantie par :

    -le respect du rôle de chacun des membres de la famille ;
    -la formation des intervenants professionnels, le travail en équipe, la coordination des
    diverses interventions, le travail en réseau entre le domicile et les institutions ;
    -le souci de répondre à l’attente de la personne, dans le respect des bonnes pratiques ;

    -le respect de la discrétion et de la confidentialité.
    Pour répondre à ces critères de qualité, certains pré-requis doivent être respectés :

    -interroger la personne malade sur ses souhaits et sa conception de sa qualité de vie
    et les respecter, toujours rechercher son consentement ;
    -évaluer le contexte économique (ressources propres et familiales, assurances, aides
    publiques) ;
    -évaluer l’autonomie et informer sur les aides possibles en fonction des besoins ;
    -apprécier la dynamique et l’histoire familiales, et la conception de la famille de son
    propre rôle ;

    -identifier l’aidant principal et les autres aidants, ouvrir le dialogue avec eux pour
    intervenir en synergie ;
    -rester vigilant afin de limiter les conséquences de l’intrusion dans l’intimité du domicile ;
    -vérifier l’adéquation entre la réponse du professionnel et la demande.
    2 - Les professionnels et les familles sont-ils concurrents ou
    complémentaires ?

    Les intervenants professionnels ne doivent pas se substituer à l’entourage, mais la

    frontière entre les rôles respectifs de chacun est parfois très ténue. Elle doit être

    régulièrement redéfinie par le biais du réajustement du projet de soins individualisé. 1 voir chapitre : “Projet de soins et contrat de soins”

    27



    II - Etre malade et vivre à domicile


    Les rôles respectifs des professionnels et de la famille sont complémentaires, l’intervenant
    professionnel ayant d’abord un rôle technique. Mais, au fil de ses interventions, un lien
    d’ordre affectif se crée avec la personne malade. Cette relation pouvant être bénéfique
    pour la personne aidée, il est important que le professionnel sache l’identifier et en définir
    les limites (juste distance), tout en tenant compte du désir, du besoin de considération
    et d’affection de la personne. Ce lien peut engendrer une certaine concurrence avec la
    famille, nécessitant un dialogue afin de clarifier les rôles de chacun.

    En cas de conflit entre la famille et le professionnel, celui-ci doit en référer à sa
    hiérarchie ou à un tiers médiateur.

    En cas de conflit intra-familial, les soignants ne doivent pas chercher à le résoudre (pas
    de transfert de responsabilité). Ils doivent encourager une thérapie familiale ou un
    conseil de famille.

    En cas de conflit entre la famille et la personne malade, le professionnel doit garder
    une attitude réservée, sauf en cas de maltraitance.

    3 - Quels sont les facteurs de risque d’une mauvaise qualité
    des aides à domicile ?

    Isolement de l’intervenant professionnel.

    Dérive qualitative ou quantitative, par défaut ou par excès, de l’intervention
    professionnelle par rapport au contrat établi avec le patient et la famille.

    Absence de coordination dans la prise en charge, par défaut de transmission des
    informations par exemple.

    Formation insuffisante des professionnels.

    Quelle insertion sociale dans la cité ?
    1 - Comment favoriser le maintien de l’insertion sociale
    des personnes malades ?

    Les réponses dépendent de multiples facteurs tels que l’insertion sociale antérieure
    de la personne malade et de ses proches, le stade de la maladie, le regard que porte
    sur elle l’entourage familial, le degré d’implication des proches, du voisinage. Mettre en
    perspective la vie qui continue avec ses difficultés mais aussi ses richesses, est une
    source de bonheur encore possible.

    Permettre aux proches de la personne malade de conserver une vie sociale contribue à
    une meilleure citoyenneté de la personne malade.

    Préserver les liens déjà existants :

    -Encourager le patient à sortir dans sa famille, chez ses amis, dans son quartier, son
    village et à continuer ses activités antérieures tant que cela est possible (vie
    associative, sorties, voyages, etc.).

    -Encourager les proches à informer leur entourage des difficultés liées à la maladie,
    même si cela leur est douloureux (honte, culpabilité). La difficulté vient en effet
    souvent de l’entourage (famille et amis) qui évite le malade et espace les relations
    par incompréhension, par peur de la maladie ou par lassitude.

    -Encourager le malade et ses proches à ne pas limiter les contacts aux seules
    personnes vivant la même situation ou d’autres situations de maladie ou de handicap,
    et notamment favoriser les liens intergénérationnels.


    Créer de nouveaux liens et trouver des solutions alternatives adaptées :

    -Il est toujours possible d’établir de nouveaux liens : l’élément fondamental est de
    rester en relation.

    -Encourager le patient et les proches à oser poser des questions et s’informer sur la
    maladie et son évolution auprès des professionnels, ou auprès de structures telles
    que les CLIC ou les associations de malades.

    Travailler sur les représentations sociales de la maladie pour éviter l’exclusion des
    personnes malades (dialoguer, expliquer, témoigner), pour rassurer.

    -Pour commencer, il faudrait peut-être changer notre vocabulaire en bannissant
    certains mots choquants tels que incapables majeurs, dégradation, placement, et parler
    plutôt de majeurs protégés, d’évolution de la maladie, d’entrée en institution, termes plus
    respectueux.

    -Une campagne nationale d’information claire et percutante, donnant une image plus
    positive de la personne malade pourrait permettre d’impliquer l’ensemble des citoyens.

    -Encourager les malades eux-mêmes à être acteurs du changement du regard de la
    société (exemples d’actions déjà menées : rédaction d’ouvrage, élaboration d’un site
    Internet par des malades, etc.).

    2 - Quelle citoyenneté conservent les personnes malades ?

    Comme tout citoyen, la personne atteinte de troubles cognitifs a des droits lui permettant
    de prendre certains risques, de faire des choix, et a aussi des devoirs (par exemple, ne
    pas perturber l’ordre public). Pourtant, on a tendance à minimiser le rôle des malades
    dans la vie sociale, à les exclure, à décider en leur nom et à leur place. Force est de
    reconnaître que la citoyenneté se décline différemment en fonction du stade de la
    maladie.

    Au début de la maladie, comment rester citoyen ?

    -Regarder la personne comme un citoyen à part entière et non comme un malade.
    -Ne pas infantiliser la personne malade ou brusquer des décisions par un trop grand
    souci d’anticipation, qui risque de faire perdre à la personne ses repères.

    -Favoriser le maintien de l’autonomie de la personne au domicile.
    A un stade plus avancé, comment éviter l’exclusion ?

    -Veiller à conserver à la personne une certaine liberté (activités, déplacements, etc.).
    -Eviter de mettre le patient en échec lors de l’évaluation de ses potentialités individuelles.
    -Adapter l’activité à la personne et non l’inverse : lui laisser des espaces de choix,
    tenir compte de ses envies et de ses goûts, valoriser son intégrité affective et ses
    capacités mnésiques restantes.
    3 - Comment contribuer à conserver la vie sociale des proches ?

    Par un soutien de l’aidant principal dans le cadre d’une prise en charge adaptée et
    coordonnée, d’une véritable “alliance thérapeutique” autour du malade. L’isolement, la
    souffrance, les difficultés et la constante mobilisation de l’aidant entraînent un risque
    majeur d’épuisement, entraînant lui-même un risque d’exclusion sociale, de morbidité,
    et de maltraitance envers la personne malade.

    Offrir aux aidants la possibilité de prendre du temps pour eux, sans culpabiliser (aides
    diverses à domicile, accueil de jour ou de nuit, hébergement temporaire, etc.).

    Prise en compte de la charge financière supportée par les aidants, en fonction des
    besoins générés par la maladie et la dépendance qu’elle crée (par exemple, le surcoût
    généré par les transports itératifs vers les lieux d’accueil de jour).

    Encourager la reconnaissance sociale du rôle des proches par les politiques, les élus,
    les institutions et l’ensemble de la société.


    III - Recherche



    Quelles priorités ? Quelles règles partenariales ?
    Quelle valorisation des résultats ?
    1 - Quels sont les domaines potentiels de recherche ?


    Aucun type d’approche ne doit être exclu, tous peuvent s’appliquer au domaine de la
    maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés :

    - recherche fondamentale,
    - recherche clinique,
    -recherche en sciences sociales,
    -recherche-action si elle respecte les exigences d’une démarche scientifique.
    Le traitement de ces maladies nécessite d’agir simultanément sur trois champs, la
    connaissance de la maladie, les traitements et la prévention (primaire, secondaire ou
    tertiaire).

    2 - Quels chercheurs ?

    Les chercheurs de métier (universitaires, chercheurs travaillant dans des instituts de
    recherche), qui s’organisent en équipes d’une taille suffisante pour qu’elles soient
    lisibles vis-à-vis des financeurs. Ils travaillent en partenariat avec les autres
    chercheurs et les acteurs de la société.

    Les soignants qui, au contact des malades, sont confrontés à un questionnement
    ouvrant le champ à une “expérimentation soignante” et vont développer des protocoles
    permettant de concevoir des standards de prise en charge qui sont accessibles à
    l’évaluation.

    Toute personne portant un projet de qualité, en dehors des contingences statutaires,
    pour autant qu’elle utilise des méthodes scientifiques pour aborder son objet de
    recherche, y compris en lui permettant de s’insérer dans une équipe pluridisciplinaire.

    3 - Quelles règles partenariales ?

    Les partenariats pour la mise en oeuvre d’une recherche doivent s’effectuer dans le
    respect des intérêts de tous : les personnes malades et leurs aidants, les chercheurs, les
    organismes de recherche, les financeurs. Pour ce faire, il faut toujours veiller à éviter les
    conflits d’intérêt en associant l’ensemble des partenaires aux résultats de la recherche
    et en valorisant les apports respectifs de chacun (temps, argent, compétence).

    Transparence du montage partenarial : commanditaires, exécutants, financeurs
    (transparence des comptes), objectifs, etc. Quels qu’ils soient, les financeurs doivent
    afficher leurs objectifs et leurs priorités, les modalités et les critères de sélection des
    projets (jury indépendant, affichage des critères de sélection des projets, équité de
    traitement entre les équipes).

    Equilibre des obligations de chacune des parties au moment de l’établissement d’un
    contrat de recherche, d’une subvention.

    Préservation de l’indépendance des chercheurs et respect de leurs droits de propriété
    intellectuelle.


    4 - Qui finance la recherche ?


    Diverses sources de financement sont possibles : l’Etat, les organismes publics et para-
    publics, l’industrie du médicament, de l’imagerie, du diagnostic et d’aide à l’autonomie,
    les associations et les fondations.

    5 - Faut-il hiérarchiser les priorités de recherche et comment ?

    Nonobstant les logiques institutionnelles propres à chacun des financeurs, la
    hiérarchisation des choix des recherches financées doit prendre en compte :

    -les règles éthiques et de bonnes pratiques,
    -l’intérêt du patient et de son entourage,
    -la qualité méthodologique et la faisabilité du projet (procédures d’évaluation prévues),
    -l’existence éventuelle de redondances, du fait du financement de projets dans des
    domaines déjà largement explorés.

    Il est important de soutenir des projets innovants, qui nécessitent un investissement
    initial afin d’affiner une hypothèse ou une méthode d’approche qui sera explorée dans
    un second temps avec une méthodologie et des moyens plus lourds.

    6 - Quelle valorisation des résultats ?

    La valorisation des résultats de la recherche doit être faite auprès du plus grand nombre,
    sans oublier les personnes malades, sans auto-censure.

    Elle est obligatoire, doit être adaptée à l’auditoire, rendre compte des résultats
    positifs et/ou négatifs, et s’accompagne de l’identification des financeurs.

    Les financeurs ne doivent pas instrumentaliser les résultats de la recherche en fonction
    de leurs propres stratégies institutionnelles ou commerciales.

    Il est important, contrairement aux pratiques habituelles, de publier les résultats négatifs.
    C’est un devoir éthique, même si ces pratiques ne sont soutenues ni par la politique
    éditoriale des journaux ni par l’industrie pharmaceutique.

    7 - Quelles améliorations souhaiter ?

    Diversifier les domaines de recherche : une représentation plus équilibrée des
    différents domaines de la recherche est souhaitable, en permettant aux champs peu ou
    mal représentés d’accéder à un financement et un accompagnement méthodologique1 .
    Donner les moyens à certains chercheurs et aux praticiens menant des recherches-
    actions, pour qu’ils puissent accéder à une formation et à une aide méthodologique qui
    confèrera à leurs recherches une meilleure cohérence.
    Donner du temps à tous ceux qui participent à une recherche (y compris les soignants) 1 voir chapitre : “Pourquoi certains domaines
    pour ne pas défavoriser ceux dont le travail n’est pas centré sur la recherche. de recherche sont-ils négligés ?”

    31



    III - Recherche


    Pourquoi certains domaines de recherche
    sont-ils négligés ?
    1 - Quelle place pour la recherche en psychologie gérontologique ?

    Dans le domaine de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées, la recherche
    est dominée par le champ biomédical, et plus spécifiquement par une prise en compte
    exclusive des capacités cognitives.

    La psychologie gérontologique est un domaine très négligé de la recherche. Elle relève
    de deux directions théoriques :

    -la psychologie cognitivo-comportementale, qui rend possible des approches quantifiées et
    donc publiables, mais qui est essentiellement descriptive et facilite l’absence de
    démarche d’identification aux patients. Par ailleurs, il a été démontré que les
    stimulations neuropsychologiques non personnalisées et ne tenant pas compte des
    déficits spécifiques n’améliorent pas les performances cognitives des personnes
    atteintes de maladie démentielle ;
    -la psychologie subjective, qui concerne les affects, le vécu, les fantasmes et les
    rapports complexes entre psyché consciente et inconsciente, en lien avec la question
    fondamentale de la préservation de l’estime de soi. Un des champs possibles de
    cette recherche est l’évaluation de l’impact pathogène et/ou thérapeutique potentiel
    de certaines stratégies de soins et modalités de prise en charge.
    Recherche pratique et/ou théorique :

    -D’une manière générale, l’analyse des pratiques de prise en charge fait l’objet d’une forte
    demande de la part des divers acteurs concernés. Ces pratiques doivent être évaluées en
    termes de “bonnes” ou “moins bonnes” prises en charge. Mais on ne doit pas
    s’arrêter à l’effet “vitrine” d’une opération innovante. Les opinions des membres de
    l’entourage (familial et professionnel) sur la prise en charge doivent être
    confrontées aux effets constatés de cette prise en charge sur le malade.

    -L’analyse des pratiques au niveau le plus concret ne doit pas sacrifier l’ambition de recherches
    théoriques (modélisation, travail sur les concepts). D’une façon générale, c’est tout un
    champ de recherche sur la vie psychique d’une personne atteinte de maladie
    démentielle et le vécu de sa maladie qui reste à promouvoir, en miroir du problème
    des stratégies thérapeutiques les plus adaptées (ou les moins traumatiques).
    L’enjeu en est de trouver des façons de faire qui, au quotidien, présentent une plus-
    value thérapeutique parce que psycho-mobilisatrices, et donc de disposer de
    théories permettant de prendre en compte le sens et la fonction des symptômes, de
    se donner les moyens de les perfectionner, tout en améliorant en permanence leur
    application. En institution, l’approche psycho-dynamique concerne l’organisation, le
    fonctionnement et les pratiques en son sein, mais aussi les symptômes induits.
    2 - Quels cadres de recherche envisager pour l’avenir ?

    La recherche doit se faire dans une nécessaire interdisciplinarité, de la biomédecine aux
    sciences humaines et sociales, sans oublier les aspects psychosociaux.

    Les financements consacrés aux recherches relevant des sciences sociales doivent être
    augmentés, et rendus autonomes par rapport au domaine biomédical (enveloppes
    budgétaires séparées, jurys ad hoc). Mais l’articulation entre évolution des savoirs
    médicaux et recherche en sciences sociales doit être préservée au sein d’instances
    interdisciplinaires.


    Il faut impérativement relancer la recherche en psychologie gérontologique, et particulièrement
    la recherche conceptuelle, tant sur le plan épistémologique que sur celui de la
    modélisation. L’enjeu en est de nous doter d’instruments intellectuels qui nous
    permettent de faire des choix cliniques plus pertinents.

    Compléter la sémiologie individuelle, groupale, familiale, institutionnelle :

    -ne pas rester dans un cadre purement épidémiologique et d’évaluation normative,
    - orienter davantage les financements vers la recherche sur les aides et services,
    -étudier les conditions d’installation et de diffusion des expériences et des savoirs,
    -travailler sur les représentations et sur leur impact sur les comportements et les
    pratiques,
    -envisager les relations entre les personnes dans leur dimension collective (par
    exemple, la décision d’être responsable d’un malade n’est pas seulement une affaire
    individuelle).

    Développer les recherches sur :

    -la structuration et l’organisation des aides informelles et professionnelles (écart
    entre les représentations et la réalité des pratiques, répartition des tâches et des
    responsabilités au domicile et en institution) ;

    -les différentes interventions des soignants en institution et leurs déterminants
    (évaluation, suivi, diffusion des résultats) ;

    -les approches non médicamenteuse dans la prise en soins de la pathologie démentielle ;
    -la neuropsychologie et la neurophysiologie des émotions (liens entre les atteintes
    cognitives, étiologie des pathologies démentielles et retentissement émotionnel).

    Promotion des recherches actions (cadre moins normatif, association des divers
    acteurs).

    Accompagnement de la personne
    qui participe à la recherche
    1 - Une personne isolée peut-elle participer à un protocole
    de recherche biomédicale ?

    Oui, une personne isolée peut participer à un protocole de recherche biomédicale.

    Mais, les personnes seules n’ont pas connaissance de l’existence d’une recherche qui
    pourrait les concerner. Cela témoigne d’une réelle situation d’inéquité, et constitue un
    biais pour la recherche. La diffusion de l’information sur l’existence des protocoles de
    recherche et l’importance de la participation des citoyens est un enjeu majeur pour la
    société et les progrès de la recherche médicale. Cette information doit être portée par
    tous : soignants, associations, pouvoirs publics.

    Que faire dans les cas où le protocole stipule la présence d’un accompagnant ?

    -Plusieurs intervenants de la recherche peuvent contribuer à trouver cet accompagnant
    : le médecin investigateur ou le médecin traitant, les professionnels des services
    d’aide à domicile, les bénévoles des associations, etc.

    -Les professionnels des services d’aide à domicile peuvent jouer ce rôle d’accompagnant.

    -Une information sur ce rôle d’accompagnement dans le cadre de la recherche
    médicale serait souhaitable dans la formation des professionnels de l’aide à
    domicile pour lever les freins éventuels à l’acceptation de ce rôle, qui implique une
    responsabilité importante et des contraintes non négligeables.


    III - Recherche


    2 - Quels sont les rôles principaux de l’accompagnant dans la
    recherche biomédicale ?

    Autorisation de la participation de la personne malade à la recherche, et participation à
    la décision d’un arrêt éventuel et prématuré de la recherche, dans le cas où les patients
    ne sont pas en mesure d’y consentir personnellement. L’accompagnant peut avoir été
    désigné comme personne de confiance au préalable.

    Participation de l’accompagnant au protocole de recherche, avec son consentement :

    -évaluation du patient (rôle d’informant) ;
    -évaluation de l’efficacité du traitement sur des critères le concernant directement,
    s’il est l’aidant principal (qualité de vie, fardeau, anxiété, temps consacré à l’aide,
    etc.).

    3 - Tous les rôles demandés à un accompagnant dans le cadre
    d’une recherche peuvent-ils être tenus par la même personne ?

    Oui, en pratique, une seule et même personne est en général identifiée de façon
    pragmatique par le médecin ou l’équipe soignante et devra assumer les différents rôles.

    Le meilleur informant est celui passe suffisamment de temps auprès de la personne
    malade pour juger de l’état général du patient, pour détecter certains troubles,
    notamment occasionnels, et pour évaluer de façon pertinente l’évolution des difficultés
    dans la réalisation des activités élémentaires ou instrumentales de la vie quotidienne.
    Mais cette proximité, essentielle pour l’évaluation, peut aussi introduire des biais dans
    les témoignages, en particulier en cas de lien de parenté, de cohabitation, et auxquels les
    chercheurs devront rester vigilants.

    L’accompagnant peut se faire aider occasionnellement ou systématiquement pour certains
    de ses rôles, comme par exemple l’accompagnement à une consultation.

    Dans le cas où il parait préférable de distribuer les rôles à différentes personnes,
    l’étude du réseau d’aide présent autour de la personne malade permet d’identifier la
    personne adéquate pour chacun de ces rôles (rôle d’autorisation à la recherche, rôle
    d’informant, rôle d’aidant).

    4 -Quelles sont les conséquences de l’arrêt prématuré d’un protocole

    de recherche biomédicale, sur la personne malade et sur son

    entourage ?

    Actuellement, aucune procédure de suivi des répercussions sur le malade et son
    entourage n’est prévue dans les cas où un protocole de recherche est interrompu
    prématurément (efficacité du traitement constatée lors d’une analyse intermédiaire,
    survenue d’un effet indésirable grave, problème économique, etc.).

    Dans le cadre des bonnes pratiques cliniques, il faudrait recommander, dans ces cas, un
    suivi spécifique de ces personnes, afin d’évaluer et prendre en charge les répercussions
    potentielles de l’arrêt du protocole de recherche.


    Problèmes juridiques et éthiques liés
    à la recherche
    1 - Qui donne son consentement ?


    La personne malade, tant qu’elle en est capable. Elle est le premier interlocuteur et
    doit être respectée en tant que personne quelle que soit l’importance de ses troubles,
    tout au long de la démarche d’information et de recueil du consentement. Aujourd’hui,
    le diagnostic est posé de plus en plus précocement et donc auprès de personnes qui
    sont aptes à consentir.

    L’aptitude de la personne malade à consentir est évaluée par le clinicien, en s’appuyant
    idéalement sur des critères décisionnels précis. Des outils d’aide à la décision seraient
    utiles.

    Le consentement, si la personne malade n’en est plus capable, peut être délégué à la
    personne de confiance si elle a été auparavant désignée 1, ou à un tiers. Il convient de
    s’assurer que cette personne accepte cette charge, y compris dans la perspective d’un
    éventuel protocole de recherche, en ayant pris connaissance à ce sujet des directives
    anticipées du patient.

    2 - Quelles informations fournir et comment ?

    Fournir au patient une information adaptée à son aptitude estimée à comprendre et à
    consentir. Si la personne est considérée comme inapte à consentir, une information
    complète ou simplifiée sera remise à un tiers, selon les termes de la loi.

    Privilégier un temps d’entretien avec le patient, en s’adressant à lui avant de s’adresser
    à l’aidant.

    Essayer de ne pas fractionner l’information et de parler le même langage au patient et à
    sa famille.

    Laisser le temps au patient et à sa famille de s’informer, de réfléchir, et répéter
    l’information autant de fois que nécessaire. S’assurer que le patient a compris de quoi il
    s’agit, sans sous-estimer ses facultés de compréhension. La bonne adhésion des
    patients au protocole minimise le nombre des sorties d’étude.

    Pour éviter les conflits d’intérêt, il est proposé que ce ne soit pas le médecin référent
    et responsable du soin qui recueille le consentement à la participation à un protocole
    de recherche.

    Bien différencier soin et protocole de recherche :

    -distinguer clairement l’information par rapport aux soins et l’information par

    rapport à la recherche ;

    -il convient de rassurer le patient sur la qualité des soins qui lui seront dispensés,

    quelle que soit sa décision de participer ou non à un protocole de recherche, afin

    qu’il décide en toute liberté et sans contrainte.

    Il est recommandé d’informer le patient et de recueillir son consentement pour toute
    recherche, même quand il s’agit de protocoles d’évaluation des soins qui n’entrent pas 1 voir chapitre :“Tant que le patient a encore sa
    dans le champ de la loi. raison, comment peut-il prévoir son avenir ?”

    35



    III - Recherche

    3 - Quelles garanties éthiques la recherche offre-t-elle ?


    Proposer à une personne de participer à un protocole de recherche exige que le diagnostic
    soit connu et lui ait été annoncé. A contrario, l’entrée dans un protocole de recherche ne
    doit pas être l’occasion d’annoncer le diagnostic.

    La pluridisciplinarité a notamment pour fonction d’interroger les certitudes de l’autre.

    Dans les pratiques cliniques, les discussions itératives sont nécessaires sur les bénéfices
    et les risques de chaque solution.

    La méthodologie doit offrir des garanties de rigueur :

    -Les objectifs sont en lien direct avec les intérêts de la personne malade et/ou son
    entourage. Tous les résultats, positifs et négatifs, doivent être publiés, ainsi que les
    résultats complémentaires secondaires.

    -La prise en compte de critères de jugement concernant à la fois le patient et l’aidant
    suppose qu’un arbitrage soit fait entre les conséquences bénéfiques de la recherche
    sur le patient et celles observées sur ses aidants. Le cas où il existerait un
    antagonisme entre le bénéfice attendu pour le patient et pour l’aidant (exemple :
    nouvel antipsychotique) doit être envisagé.

    -Les risques et les avantages sont à considérer tout au long d’une recherche, auprès
    de la personne malade et des membres de la famille impliqués.
    -Les modalités d’information et de recueil du consentement doivent être clairement
    écrites dans un protocole de recherche.

    Dans la maladie d’Alzheimer, la participation à la recherche peut être en elle-même
    valorisante pour le sujet et susciter un sentiment d’utilité sociale, ce qui peut être
    considéré comme un bénéfice.

    Un maximum de précautions pour des protocoles ayant trait aux nouvelles thérapies
    est absolument nécessaire. En revanche, on évitera d’asphyxier la recherche en
    procédant selon les mêmes critères pour des domaines sans risque biologique,
    touchant par exemple le domaine de la qualité de vie ou les thérapies relationnelles.


    IV - Projet de soins


    et contrat de soins


    Quelle est la spécificité du soin dans
    la maladie d’Alzheimer ?
    1 - Quels sont les problèmes éthiques spécifiques liés à l’existence
    de troubles cognitifs ?

    La difficulté à reconnaître la personne malade comme un sujet à part entière, capable
    d’exprimer ses besoins et ses choix, de comprendre et adhérer à ses soins, dans le cadre
    d’une relation thérapeutique ;

    la difficulté à reconnaître la personne comme un malade devant bénéficier de soins ;

    le manque de moyens, humains et financiers, par non-reconnaissance des besoins.

    2 - La maladie expose à un risque important de sentiment
    d’impuissance et de grand désarroi chez les aidants et les
    soignants, qui exposent eux-mêmes à un risque d’abandon.

    3 - Ces soins demandent une attention particulière.


    Pour la personne malade, car les soins sont lourds et complexes. Ils varient selon le
    stade évolutif de la maladie et selon le type de troubles ; l’anosognosie 1 fréquente doit
    être prise en compte.

    Pour l’entourage, car c’est une maladie de la connaissance et de la communication et
    qui altère l’autonomie ; les conséquences sur l’entourage des besoins de soins de la
    personne malade sont significatives.

    Pour les soignants, car il s’agit d’une maladie chronique, évolutive, incurable, mais
    pour laquelle il y a pourtant tout un ensemble de moyens thérapeutiques à mettre en
    place pour diminuer les conséquences de la maladie et de ses complications.

    Quelles sont les spécificités du contrat
    de soins ?
    1 - Quelles sont les personnes engagées dans le contrat de soins ?

    Le contrat de soins est habituellement un contrat implicite passé entre un médecin
    et un patient. Dans la maladie d’Alzheimer, l’atteinte cognitive risque de mettre ce
    contrat en péril ou de le faire carrément oublier. Le contrat peut donc être élargi,
    devenant un contrat de confiance, non plus entre deux personnes uniquement, mais
    entre un patient entouré de sa famille, et un médecin entouré d’une équipe soignante.

    Il est important de susciter l’introduction d’un tiers tôt dans la prise en charge de la
    maladie, par la désignation d’une personne de confiance, voire la formulation de
    directives anticipées2 .

    1 Personne qui n’a pas conscience de sa maladie
    et/ou de ses troubles

    2 voir chapitre : Tant que le patient a sa raison,
    comment peut-il prévoir son avenir ?

    37



    IV - Projet de soins et contrat de soins


    “Elaborer un projet, c’est partager des
    valeurs explicites pour prendre à pleines
    mains, légitimement, un objectif”.

    Michel Billé

    “Prendre soin vise, au-delà de la technicité
    du geste, à soulager les symptômes,
    diminuer la souffrance et donc favoriser
    l’autonomie et le confort de la personne.
    Le “prendre soin” nécessite compétence,
    attention, écoute, tact et discrétion, afin
    de préserver le sens et la justesse des
    décisions adoptées dans la concertation”.


    Circulaire ministérielle (mars 2005)

    2 - Quels sont les principes généraux du contrat de soins ?


    Les acteurs professionnels doivent être sensibilisés à l’écoute de la demande du
    patient. Si elle n’est pas formulée, ils doivent la susciter.

    Le contrat engage le médecin à informer progressivement son patient de l’évolution
    de la maladie et à le guider dans ses diverses démarches.

    Le médecin seul ne saurait prendre en charge ce patient au cours de cette maladie
    complexe. Avec le consentement de la personne malade et/ou de son représentant, le
    médecin doit partager l’information avec les autres professionnels concernés sur les
    besoins de soins de la personne et de son entourage d’une façon claire, directe et
    opportune.

    L’équipe élargie doit prendre conscience de l’importance et de la nécessité du
    respect du secret médical partagé (partage de certaines informations et respect de la
    confidentialité pour d’autres), et doit avoir une réflexion autour de la confidentialité des
    informations reçues (personnes malades, familles).

    Quelles sont les spécificités du projet de soins ?
    1 - Le projet de soins est contractuel, proposé dès l’annonce du
    diagnostic et adapté tout au long du suivi de la personne malade.

    Il est élaboré avec la personne âgée, sa famille et le réseau de soins, puis adapté en
    fonction du stade de la maladie et des réalités de la prise en charge sur le terrain.

    2 - Le projet de soins respecte les dispositifs légaux et est guidé par
    les bonnes pratiques cliniques gériatriques.

    S’adressant à une personne particulièrement vulnérable, il s’appuie sur une réflexion
    éthique. Il doit en particulier préserver au maximum l’autonomie de décision de la
    personne recevant les soins et des autres personnes impliquées ou affectées par ces
    besoins de soins.

    3 - Le projet de soins est l’instrumentalisation du sens à donner aux
    soins.

    L’équipe est unie vers une tâche commune ; dans ce lien interactif, il y a un engagement
    personnel éthique sans lequel on perdrait le sens. Il donne un sens au soin en regard
    des besoins du malade.

    4 - Quel est le cahier des charges du projet de soins ?

    Le recueil de données concerne les croyances, la spiritualité, les attentes de la
    personne en termes de fin de vie, sa position vis-à-vis de la mort, de ses propres
    deuils, de ses peurs, ce qui lui fait plaisir, voire ses directives anticipées. Il est lu devant
    l’équipe dans le mois qui suit l’admission du malade dans l’établissement ou dans le
    service de soins à domicile et réévalué tous les six mois.

    Le projet de soins tient compte des besoins fondamentaux et plus spécifiques du
    malade.

    38



    La personne référente (IDE, AS ou ASH en EHPAD) est l’interlocuteur privilégié pour
    recueillir les besoins et les attentes du malade, elle s’assure du suivi des actions
    décidées en transmissions ciblées et de leur évaluation.

    Les transmissions sont un moment de communication dans l’équipe pour l’organisation
    transversale de la journée, auquel est incorporé un recueil de données ou une
    évaluation d’une action longitudinale pour un malade donné.

    Quels sont les objectifs du projet de soins ?
    1 - Quels sont ses principaux objectifs ?


    Son principal objectif est de faciliter l’accès aux soins à tous les stades de l’évolution,
    par la mise en place d’une prise en charge adaptée, personnalisée et coordonnée du
    patient (coordination du parcours de soins) et par une démarche de soutien aux aidants.

    Ses objectifs plus spécifiques, limités et raisonnables pour ne pas décourager les aidants,
    se répartissent en plusieurs volets : volet thérapeutique, volet “accompagnement”,
    volet “décision”. Les indications d’activités thérapeutiques, de soins de rééducation et
    de soins psycho-corporels sont recherchées en équipe pluridisciplinaire.

    2 - En quoi consiste le volet thérapeutique du projet de soins ?

    Il s’agit de mettre en place un plan d’aides personnalisé au domicile, en fonction des
    capacités restantes, des déficits, des troubles du comportement (prévention de la
    dénutrition, soins de toilette et d’hygiène, aide à l’habillage, maintien de la continence,
    prévention des chutes, etc.).

    Il s’agit de traiter les troubles cognitifs, la dépression, les troubles du comportement,
    les co-morbidités ; prévenir et traiter les troubles alimentaires et la perte de poids.

    Il s’agit de surveiller et adapter les traitements médicamenteux en prévention de la
    iatrogénie.

    Il s’agit de tenter de contenir les pertes et de limiter la régression (sociothérapie,
    psychothérapie, ateliers mémoires, accompagnement psychogériatrique, etc.). La
    “déprise”, cette forme de désengagement progressif de certaines activités, en raison
    de la survenue d’incapacités, nécessite un soutien social, rôle qui peut être tenu par de
    nouveaux professionnels, type “médiateur” ou “case manager”.

    Il s’agit de prévenir et accompagner les crises.

    Il s’agit d’adapter les prises en charge lors d’une hospitalisation ou de l’admission en EHPAD.

    3 - En quoi consiste le volet “accompagnement” du projet de soins ?

    L’accompagnement du patient consiste à :

    -favoriser une stabilité des soignants et des intervenants permettant une relation
    personnalisée avec le patient et sa famille, le maintien de la motivation de tous les
    acteurs et une alliance thérapeutique ;

    -favoriser un partage relationnel et affectif, une bonne communication. Le plan de
    soins a une fonction d’étayage permettant à la personne malade de disposer, dans
    son processus de régression, d’un point d’appui et/ou de réinvestissement ;

    -évaluer régulièrement les risques encourus par le patient (liés à son environnement,
    ses déplacements, la gestion de ses biens, etc.) et à proposer des mesures appropriées ;

    -préparer et accompagner l’entrée en institution 1 .
    39


    1 voir chapitre : “L’entrée en institution est-elle un
    choix ou une obligation ?”


    IV - Projet de soins et contrat de soins


    1 voir chapitres :“L’entrée en institution est-elle
    un choix ou une obligation ?”, “Tant que le patient a
    encore sa raison, comment peut-il prévoir son avenir ?”
    et “Fin de vie”

    • L’accompagnement des aidants consiste à :
    -permettre aux proches de progresser dans un travail d’acceptation de la maladie et
    prévenir l’épuisement de l’aidant principal ;

    - leur donner les moyens de faire entendre leur plainte et leurs besoins : consultations
    spécifiques, soutien psychologique (prise en charge individuelle, groupes de parole),
    associations de familles, etc. Il faut laisser le temps aux questions et aux réponses
    simples et répétées sans vouloir tout résoudre ;
    -informer les familles sur la maladie, ses conséquences, les possibilités d’aides
    matérielles (aides à domicile, accueil de jour, hébergement temporaire, etc.),
    financières, de soutien psychologique, juridiques, etc. Les aidants familiaux ont
    besoin de répit et y ont droit. Les informer leur permet de choisir ;

    -les orienter vers les associations de familles (France Alzheimer). Elles permettent
    un échange de vécu entre les familles qui se sentent moins seules. Ce soutien est
    très complémentaire de ce que peuvent apporter les professionnels ;

    -proposer d’éventuelles formations pour les aidants, selon les possibilités locales.
    L’accompagnement des soignants consiste à :

    -soutenir et former les soignants ;
    -informer de façon permanente les professionnels sur les avancées de la recherche,
    sur les créations ou les modifications des structures, des associations, sur les
    nouvelles dispositions législatives. Cet aspect est indispensable à une pratique de
    qualité.

    4 - En quoi consiste le volet “décision” du projet de soins ?

    Concernant l’institutionnalisation, les limites du soin et les éventuelles décisions d’arrêt
    des investigations et/ou de traitements à visée curative, les décisions se prennent en
    équipe, avec les proches, en tenant compte des volontés du patient 1 .

    En cas de besoins contradictoires chez le malade, il faut essayer de trouver une
    solution acceptable par une discussion en équipe, voire en présence de professionnels
    extérieurs à l’équipe.

    En cas de besoins contradictoires entre la personne malade et son entourage proche, si
    une solution simple ne peut être trouvée, il est conseillé d’orienter l’entourage vers des
    collègues pouvant le prendre en charge, en dehors du malade.

    40



    En quoi le projet de soins est-il au service de la vie ?
    1 - Il est garant non seulement du droit de vivre, mais aussi
    de celui de “vivre avec les autres”.

    Il en est garant par la mobilisation collective et dans tous les registres de la vie
    sociale, des compensations et des adaptations nécessaires de quelque nature que ce
    soit (loi du 18 janvier 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la
    citoyenneté des personnes handicapées).

    2 - Il est garant de l’identité de la personne.

    En prenant en compte son histoire de vie, son contexte familial, ses habitudes de vie,
    ses souhaits, son environnement social.

    3 - Il est garant du respect de sa dignité, de son intimité,
    de sa liberté et de sa sécurité.

    4 - Il est garant de la priorité de l’intérêt de la personne malade.

    L’intérêt de la personne malade prime sur celui de son entourage, quand les besoins
    de l’un et de l’autre ne se confondent pas.

    5 - Il tente d’optimiser la qualité de vie du patient.

    Même s’il est difficile de définir sa qualité de vie pour quelqu’un d’autre, il est
    impérieux de repérer et identifier les réactions émotionnelles du patient (plaisir,
    satisfaction, colère, peur, joie, tristesse, etc.), qui guident l’évaluation de la qualité des
    conditions de vie qui lui sont proposées.


    IV - Projet de soins et contrat de soins

    Quels défis pour l’avenir ?
    1 - Comment faire évoluer l’offre pour répondre à une évolution
    des besoins ?

    Il faudrait des personnels en nombre suffisant, spécifiquement formés et socialement
    valorisés. Il faudrait donc :

    -élaborer un programme national de formation des personnels au contact de
    personnes souffrant de maladie d’Alzheimer, dont une formation à l’observation et à
    la relation ; développement d’une “culture Alzheimer”, base de connaissances
    communes à tous les intervenants ; insister sur la complémentarité des compétences ;

    -impliquer les personnels soignants dans la recherche.
    Il faudrait multiplier les lieux adaptés et spécialisés :

    -proposer des adaptations du domicile ou des substituts du domicile, intégrant des
    espaces de déambulation protégés, sécurisés et profitant des progrès de la
    domotique ;

    -proposer des ateliers thérapeutiques en institution ;
    -développer l’accueil de jour et l’accueil temporaire en structure adaptée.
    Il faudrait développer de nouveaux métiers : médiateur, coordonnateur, garant de projet,
    référent, “case manager”.
    Il faut envisager le recours aux nouvelles technologies qui peuvent être utiles pour
    prendre en compte les situations d’isolement et de risque 1 .
    Il faudrait améliorer l’évaluation et la transmission des données.

    2 - Quel engagement dans la démarche qualité ?

    L’obligation d’évaluer la qualité du service rendu, tant dans les structures médicosociales
    (loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale) que dans les
    établissements sanitaires (ordonnance de 1996), est une contrainte qui permet de
    repenser les pratiques professionnelles.

    Ce processus d’assurance qualité nécessite un accompagnement méthodologique des
    équipes, souvent en nombre insuffisant.

    La démarche qualité permet une diffusion large des guides de bonnes pratiques, des
    conférences de consensus et impacte les compétences par l’amélioration du niveau de
    connaissances.

    3 - Les concepts de bientraitance et de bienveillance, et la lutte

    contre la maltraitance doivent faire l’objet de conférences

    de consensus, apportant des outils de réflexion éthique.

    1 voir chapitre : “Déplacement dans la cité :

    4 - Favoriser le maintien de la vie sociale du malade

    quelle liberté pour quelle sécurité ?”
    2 voir chapitre :“Quelle insertion sociale dans la cité ?” et lui conserver sa citoyenneté2.

    42



    V -Etre toujours en relation


    lorsque la maladie progresse


    Vivre à domicile à un stade avancé de la maladie
    1 - Quels sont les pré-requis à une vie à domicile
    à un stade avancé ?

    La vie à domicile à un stade avancé est une volonté de la personne malade et de sa
    famille. Elle suppose de considérer la personne dans son humanité et de savoir
    s’adapter à ses capacités, ses besoins et ses attentes.

    La proximité et la disponibilité d’un proche sont indispensables.

    La possibilité de recourir à des aides professionnelles (réseau gérontologique de
    proximité), avec une approche multidisciplinaire en réseau, permettent de prévenir les
    situations à risque.

    Des moyens financiers personnels suffisants, complétés par les aides financières
    possibles (APA, Assurance dépendance).

    2 - Quels éléments favorisent le maintien à domicile
    jusqu’à un stade avancé ?

    La précocité du diagnostic, sa connaissance par la personne malade et par ses proches.
    Un accompagnement, un soutien adéquat du patient et de ses proches tout au long du
    parcours de la maladie1, avec une évaluation régulière de la pertinence et de la qualité

    du maintien à domicile.
    Une bonne cohésion entre les professionnels et les proches 2 .
    Un soutien psychologique des professionnels.

    3 - Quelles sont les limites du maintien à domicile à un stade
    avancé ?

    Les ressources financières sont insuffisantes.

    Les besoins de base et la sécurité de la personne malade ne peuvent plus être assurés

    malgré l’implication des acteurs.
    1 voir chapitre : “Projet de soins et contrat de soins”

    Les ressources psychologiques et/ou physiques des aidants sont dépassées.

    2 voir chapitres :“L’entourage familial et ses limites”
    La qualité du maintien à domicile se dégrade (maltraitance, enferment social de la et “Jusqu’où les professionnels peuvent-ils se
    personne malade et/ou de son aidant, etc.). substituer au malade et à sa famille ?”

    43



    V - Etre toujours en relation lorsque la maladie progresse


    L’entrée en institution est-elle un choix
    ou une obligation ?
    QUELQUES CHIFFRES
    La majorité des patients atteints de
    maladie d’Alzheimer ou apparentée
    vivent à domicile (65% à 88% selon les
    études). Leur prise en charge est alors
    assurée dans 50% des cas par la famille
    seule. Aujourd’hui environ 80% des
    années de vie de ces malades sont
    vécues à domicile et 20% en institution.
    Dans les structures d’hébergement, on
    estime qu’environ 70% des patients sont
    atteints de maladie d’Alzheimer ou d’une
    démence.
    L’avancée de la maladie rend plus
    importante la probabilité d’entrée en
    institution en raison de la fréquence des
    troubles du comportement (le fait de
    déambuler ou de se perdre double
    le risque d’être institutionnalisé)1, du
    retentissement de la maladie sur la
    dépendance (41% des patients seulement
    demeurent à domicile quand ils ont au
    moins une incapacité) 2.
    1 Ankri J. Quand institutionnaliser
    une personne âgée démente ?
    Neurologie Psychiatrie Gériatrie 2001,32-35.
    2 Kasper JD, Shore AD. Cognitive
    impairment and problem behaviors as risk
    factors for institutionalization.
    J Appl Gerontol 1994;13:371-385.

    1 - L’entrée en établissement d’hébergement est-elle un choix ?


    Oui, l’entrée en institution peut être un choix de la personne en réponse à :

    -un besoin de sécurité et de réassurance de la part du patient et de l’entourage ;
    -un besoin de vivre avec d’autres ;
    -un rapprochement auprès des enfants ;
    -une permanence des soins en établissement ;
    -une recherche de la personne à laquelle répond un projet spécifique de l’établissement
    (confessionnel, activités ciblées, etc.).

    Non, l’entrée en établissement d’hébergement n’est plus un choix mais devient obligatoire,
    lorsque certains facteurs, conjugués à la baisse des performances cognitives et à leur
    retentissement (comportements, dépendance), rendent difficile le maintien à domicile :

    -l’isolement social ou l’inadaptation de l’environnement ;
    -l’épuisement de l’entourage et des aidants ;
    -l’absence ou l’insuffisance de structures professionnelles pouvant intervenir au
    domicile sur le secteur ;

    -les ressources financières insuffisantes.
    2 - Comment éviter les situations de non-choix ?

    Par l’anticipation, avec évaluation régulière et précise de l’état de santé de la
    personne malade, de son traitement et de son environnement1. Les hospitalisations en
    situation de crise représentent un facteur de risque supplémentaire d’entrée en
    institution.

    Les placements d’urgence sont à proscrire absolument.

    Les solutions de répit permettent de donner à chacun du temps pour sortir d’une
    situation de non-choix.

    3 - Quand et comment choisir d’entrer en institution ?

    1 voir chapitre : “Projet de soins et contrat de soins”
    2 voir chapitre : “Tant que le patient a encore sa
    raison, comment peut-il prévoir son avenir”.

    La décision d’entrer en institution devrait être l’aboutissement d’un processus élaboré
    au fil de l’évolution de la maladie, dans le cadre du projet de soins :

    -évoquer assez tôt cette question avec le patient, tant qu’il peut lucidement faire des
    choix2;
    -toujours rechercher l’avis du malade, respecter son choix, mais sans s’y laisser
    enfermer s’il semble déraisonnable ;
    -définir clairement les objectifs de l’institutionnalisation ;
    -prendre la décision dans un travail en triangulation (malade, famille, soignants),
    dans le respect des rôles de chacun des intervenants autour de la personne ;
    -conseiller l’aidant pour qu’il ne s’enferme pas dans des promesses impossibles de
    maintien à domicile à tout prix ;
    -dédramatiser l’image de l’institution pour permettre une meilleure qualité de vie au
    malade et lever la culpabilité des aidants et de l’entourage ;

    -proposer de visiter différentes structures, entre lesquelles le patient pourra faire
    son choix, voire envisager une intégration progressive par le biais de l’accueil de jour
    44



    ou d’accueil en hébergement temporaire.

    L’entrée en institution représente toujours un moment difficile pour le patient et son
    entourage dans l’évolution de la maladie. L’accompagnement est particulièrement utile
    durant cette période, d’autant plus que nombre de conflits, promesses, amertumes
    variés peuvent ressurgir à cette occasion.

    Les EHPAD aujourd’hui et la maladie d’Alzheimer
    1 - Qu’est-ce qu’un EHPAD ?


    Un EHPAD est un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes,
    c’est-à-dire ayant perdu leur autonomie physique et/ou psychique. Il a la double mission
    d’être un lieu de vie et un lieu de soins.

    2 - Les EHPAD sont-ils adaptés à l’accueil de personnes atteintes
    de maladie d’Alzheimer ou apparentée ?

    Pas toujours… Tous ne proposent pas des soins et un accompagnement adaptés aux
    besoins de ces patients. Certaines structures refusent ces personnes ou ne les gardent
    pas. Pourtant, l’augmentation constante de la proportion de personnes atteintes de
    troubles cognitifs dans ces établissements les oblige tous à des adaptations nécessaires,
    prenant en compte l’accompagnement de ces résidents dans le projet
    d’établissement.

    3 - Quels principes éthiques le projet d’établissement doit-il respecter ?

    Les principes auxquels l’établissement entend se référer sont précisés dans le projet
    d’établissement, projet multidisciplinaire (administratifs, soignants, familles) régulièrement
    actualisé qui s’intègre dans le réseau gérontologique local.

    Le projet d’établissement respecte les principes fondamentaux de l’éthique :

    -dignité : honorer le statut inaliénable et la valeur inconditionnelle de la personne
    humaine dans sa fragilité en lui reconnaissant le droit à un espace, à du temps et à
    se sentir aimée ;
    -solidarité : prendre le parti des personnes atteintes de troubles cognitifs et favoriser le
    lien social ; garantir une présence au service des résidents ;
    -justice et équité : veiller à satisfaire les besoins personnels de chacun ;
    -liberté : cultiver l’autonomie en proposant des choix à la mesure des capacités de
    chacun, en acceptant la prise de risque.
    La crise fait partie du développement et de l’évolution de tout être humain ; elle
    comporte un potentiel structurant. L’EHPAD se fixe pour objectif de développer des
    pratiques destinées à assurer une “bonne gestion de crises”.

    La cohérence entre les valeurs institutionnelles et celles des soignants permet la
    concrétisation du projet d’établissement autour de ces principes fondamentaux.


    V - Etre toujours en relation lorsque la maladie progresse


    4 - L’EHPAD doit-il s’adapter ou se spécialiser dans la prise en
    charge des résidents souffrant de maladie d’Alzheimer ou
    apparentée ?

    Il n’existe aujourd’hui que peu de références ou de recommandations sur lesquelles un
    EHPAD pourrait s’appuyer pour élaborer son projet d’établissement. Les difficultés
    viennent du fait qu’un EHPAD est à la fois un lieu de vie et un lieu de soins, où peuvent
    cohabiter des personnes avec ou sans troubles cognitifs. Le projet d’établissement
    précise et adapte les objectifs de l’établissement, en fonction de la population qu’il
    accueille.

    Le projet d’établissement s’appuie sur les objectifs suivants :

    -affirmer la valeur de l’humain ; en entretenant une relation de réassurance avec la
    personne, des liens sociaux conformes à ses désirs et à ses besoins. La prise en
    compte des difficultés du plus faible entraîne une production de sens pour tous,
    autres résidents et personnels ;

    -protéger et entretenir la vie ; projet de soins adapté et personnalisé, au nom de
    l’égalité entre les hommes, centré sur la personne et non sur la maladie ;

    -assister la personne ; aide à l’autonomie, au nom de la solidarité et de la liberté à
    disposer de son corps.
    5 - L’organisation est-elle en cohérence avec ces principes ?

    L’organisation architecturale des espaces est un outil au service du projet d’établissement.
    Elle est adaptée à la population accueillie suivant le respect de certaines
    recommandations :

    - faciliter la prise de repères ;
    - favoriser le respect des valeurs et principes énoncés ;
    -la chambre est un espace privatif (respect de la vie privée) accessible à toute heure ;
    -des espaces de vie sociale sont ouverts en permanence aux résidents et à leurs
    visiteurs ;

    -les aménagements intérieurs sont conçus pour faciliter l’autonomie et limiter les
    risques (chutes, accidents domestiques, etc.), tout en restant cossus et douillets ;
    -l’aménagement doit procurer, dans son ensemble, une sensation de bien être et de
    convivialité ;

    -un accès direct et libre à des espaces extérieurs clos (jardins thérapeutiques) est
    possible.
    L’organisation fonctionnelle doit contribuer au respect de ces principes :

    -l’organisation de la vie quotidienne concilie les besoins individuels souvent
    déstructurés dans le temps et dans l’espace pour ces patients, et les impératifs de la
    vie collective ;

    -une vie collective organisée en petits groupes ;
    -elle prévoit l’ouverture de l’établissement sur la vie de la cité (associations de
    quartier, vie municipale, sorties culturelles, marché, lieux de culte) ;
    -elle recherche une alliance thérapeutique, fondée sur le recueil de l’histoire de vie,
    l’identification des problématiques, l’élaboration du projet de vie et l’accompagnement
    des processus de deuil ;

    -elle prévoit des temps de transmission entre les équipes.
    Les facteurs liés au personnel sont essentiels :
    -la formation de l’équipe permet une diminution des troubles du comportement des
    résidents, et davantage de plaisir au travail pour le personnel ;


    -il n’existe pas de professions spécifiques pour cet accompagnement et ces soins,
    mais des personnels ayant les aptitudes et compétences nécessaires pour prendre
    soin de ces résidents ;

    - les effectifs doivent être suffisants ;
    -le projet d’établissement stipule l’existence d’un plan de formations, dispensées par
    des professionnels ; ces formations permettent aux personnels d’acquérir ou de
    compléter leurs compétences, de valoriser le travail réalisé, de développer une
    culture commune, et de proposer des pistes de développement ;

    -la mobilité des personnels travaillant auprès de ces résidents sera prise en compte
    et facilitée chaque fois qu’ils en expriment le besoin ;

    -la difficulté de prise en charge de ces résidents impose des temps de réunions
    programmés autour des projets individuels et collectifs et pour analyser les
    difficultés (espaces de parole) ;

    - donner du sens aux aides et soins réalisés ;
    -avoir des objectifs communs aux équipes soignante et administrative réalisables et
    valorisants.

    6 - Comment répondre en pratique aux principes éthiques destinés
    à garantir une qualité de vie ?

    Certaines attitudes témoignent du respect inconditionnel de la dignité de l’être humain :

    -le respect inconditionnel des règles élémentaires de politesse ;
    -l’utilisation des différents moyens de communication verbale et non verbale ;
    -l’attention bienveillante et empathique ;
    -le respect de l’intimité (toilette, continence, de la vie sexuelle si elle est librement
    consentie, etc.) ;
    -la prise en compte de la vie émotionnelle et affective comme témoin de la
    permanence du sujet et de son identité.

    Certaines actions répondent aux principes de solidarité et d’équité qui favorisent
    l’autonomie des résidents :

    -répondre à chacun selon ses besoins avec discernement et sans jugement de valeur ;
    -proposer des choix accessibles à chaque bénéficiaire en fonction de son état et de
    ses capacités (rythmes de vie, activités, habillement, repas, siestes, etc.).

    Certaines actions répondent au respect des liens familiaux et amicaux :

    -la liberté des horaires de visite ;
    -l’encouragement de la participation et de la collaboration des familles dans la
    complémentarité des rôles ;
    -la proposition d’un soutien psychologique des proches.
    Les prestations alimentaires et hôtelières doivent suivre ces principes :

    -les menus sont adaptés aux habitudes culturelles, aux goûts, aux capacités
    fonctionnelles et aux besoins nutritionnels des résidents ;
    -les résidents ont des possibilités de choix (menus, horaires, collations, etc.) et un
    libre accès aux aliments en dehors des repas ;

    -l’apport de mobilier, d’effets et de biens personnels est autorisé et encouragé ;
    -la garde robe de chaque résident est identifiée et personnalisée ;
    -les résidents ont la possibilité d’avoir un animal domestique sous certaines
    conditions.

    Les activités proposées sont adaptées :

    -aux possibilités des résidents ;
    -aux capacités restantes de chacun, sans jamais mettre en échec l’individu, basée
    tant sur les cinq sens que sur la prise en compte des émotions ;

    -en fonction du repérage des signes non verbaux de plaisir ou de refus.

    V - Etre toujours en relation lorsque la maladie progresse


    7 - Quelle est la place des unités spécifiques ?


    Tout établissement d’hébergement pour personnes dépendantes doit proposer, dans
    son projet d’établissement, un projet de vie et de soins adapté aux personnes atteintes
    de maladie d’Alzheimer ou apparentée.

    Un projet architectural n’est déterminant que s’il est en adéquation avec le projet de vie,
    qui guide cette organisation des espaces.

    Les unités spécifiques sont des lieux de vie permanents pour une douzaine de
    personnes ayant des troubles cognitifs ; certaines accueillent les personnes jusqu’à la
    fin de leur vie, d’autres ne les gardent que tant que leur autonomie motrice est
    conservée. Dans ce dernier cas, l’établissement doit proposer à ces résidents en perte
    d’autonomie physique et psychique, une prise en charge adaptée dans une autre partie
    de l’institution.

    Le lieu dédié ne suffit pas à créer une unité spécifique : il existe d’abord un projet
    d’accompagnement d’aide et de soins, un personnel formé et encadré, une réflexion
    sur le fonctionnement. Ces éléments évitent que ces unités ne soient des lieux
    d’enfermement ou des vitrines pour des établissements délaissant les autres
    résidents.

    Il y existe une évaluation interne et externe de l’accompagnement proposé.

    Etre en relation : persistance d’une vie
    affective et émotionnelle
    1 - Les patients conservent-ils une vie émotionnelle et affective
    à un stade avancé de la maladie ?

    Oui, la persistance d’une vie affective et émotionnelle, même si elle devient désorganisée,
    est maintenant largement reconnue chez les personnes présentant une maladie
    d’Alzheimer ou apparentée, et ce, même à un stade avancé de l’évolution.

    Sa reconnaissance se heurte aux difficultés croissantes de communication verbale
    des patients.

    2 - Quelles en sont les implications, en pratique ?

    Il s’agit de rester dans la relation avec le patient, qu’elle soit verbale ou non verbale.
    Pour la personne malade, l’isolement affectif est source d’une “ankylose psychique”
    qu’il faut prévenir. Il faut repérer les émotions par l’observation fine des
    comportements de la personne. Il faut rester vigilant au fait que l’absence de retour
    incite les aidants et les soignants à échanger entre eux en “oubliant” celui qui se tait.

    Il faut prendre en compte l’histoire de vie du patient, et savoir repérer, en lien étroit avec
    les proches, que les émotions du présent sont parfois en relation avec des évènements
    antérieurs de la vie du patient. Les expressions considérées comme incohérentes, voire
    gênantes, sont autant de messages indices de la vision du monde du malade et de son
    histoire de vie : le malade dément peut se “fixer” sur des tâches de vie non résolues
    (Erikson).


    La persistance d’une vie affective est un des meilleurs moteurs positifs pour les
    personnes malades. Certains supports permettent de favoriser des réminiscences, en
    particulier émotionnelles (musique, clown, photos, activités de stimulation sensorielle,
    gestes familiers de la vie quotidienne, lien intergénérationnel, etc.).

    Il faut impliquer les proches et leur faire prendre conscience que leur parent est
    encore une personne à part entière et que l’on peut échanger avec elle dans une
    densité émotionnelle.

    Il faut savoir mettre de côté ses propres émotions :

    -il est difficile pour celui qui cherche à maintenir la relation (aidants, proches ou
    professionnels) de ne pas être reconnu dans son identité et dans ses rôles habituels ;

    -les soignants ont le devoir de témoigner auprès des familles afin qu’elles puissent
    continuer à échanger de l’affectif avec leur parent et ne pas porter de jugement
    moral sur certains comportements, notamment sexuels ;

    -l’entourage doit connaître aussi que l’affectivité peut être tournée vers d’autres.
    L’encadrement institutionnel tend à prévenir les risques de dérives :

    -les groupes de parole (familles et/ou soignants et/ou soignés) peuvent permettre
    d’accepter les nouveaux modes de relation avec les patients, d’y trouver du sens et
    de prévenir des situations d’épuisement et de maltraitance ;

    -la formation et l’encadrement des personnels permettent de faire face aux risques
    d’interprétation, de mélanges des émotions, de projections, et notamment la
    formation aux soins relationnels.

    Gérer les situations difficiles
    1 - Qu’est-ce qu’une situation difficile ?


    Une situation difficile est une situation qui nécessite une décision dont les enjeux sont
    complexes, du fait d’un équilibre précaire entre les risques et les bénéfices.

    Chaque situation difficile est unique et doit être gérée spécifiquement, car elle se crée à
    l’interface de plusieurs facteurs que sont le patient, son environnement familial, les
    aidants et les soignants, et le lieu de résidence.

    Même s’il est parfois nécessaire d’agir vite, une réflexion et une évaluation de la
    prise en charge sont indispensables, dans une démarche de réflexion éthique 1 .

    Il apparaît nécessaire de réaffirmer la valeur de l’individu, qu’il soit patient, aidant ou
    soignant, pour sortir de ces situations difficiles à partir de moyens d’écoute, d’informations,
    de formation et de prévention.

    2 - Quelles sont les situations difficiles et comment les gérer ?

    Les situations difficiles ou crises concernent la personne malade, vivant à domicile
    ou en institution, l’entourage familial et les soignants.

    Elles doivent être prévenues autant que possible par une démarche d’anticipation
    mais quand elles surviennent et motivent des décisions difficiles à prendre, elles
    doivent engager tous les acteurs concernés dans une véritable démarche éthique 1 .

    49


    1 voir : “Pour conclure”


    VI - Fin de vie



    Quelles conditions pour la fin de vie des personnes
    atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée ?
    1 - La période de fin de vie peut-elle ou doit-elle être définie ?


    Pour conserver une véritable continuité de la prise en charge, il convient de ne pas
    définir un “début” de fin de vie.

    La période de fin de vie n’est pas synonyme de stade terminal de la maladie. Elle est
    souvent longue et associée à des co-morbidités.

    C’est une période difficile pendant laquelle certaines valeurs fondamentales doivent
    continuer à être défendues de notre place de soignant, de famille, de citoyen, d’un point
    de vue législatif et éthique.

    2 - Quelles sont les spécificités de la fin de vie liées
    à la maladie d’Alzheimer ?

    La maladie d’Alzheimer ne peut être le prétexte d’aucune discrimination. La dignité
    humaine ne peut être remise en cause par la démence. La personne atteinte de maladie
    démentielle reste une personne humaine au delà de son apparence physique et même
    si son handicap est insupportable. Notre expérience clinique en est le garant.

    Spécificités du deuil dans la maladie d’Alzheimer.
    Il arrive fréquemment, lors de la phase ultime de la maladie d’Alzheimer, souvent
    longue et privée de communication verbale, que tel membre de la famille ou tel
    soignant en arrive à souhaiter que le malade disparaisse. Malheureusement, ces
    pensées hostiles cachées renforcent le sentiment de culpabilité des proches au moment
    du deuil, car il leur est forcément difficile de reconnaître qu’ils ont pu souhaiter la
    disparition de ceux qu’ils aiment, mais dont la présence les gêne ou les agresse.
    Une particularité des fins de vie des malades d’Alzheimer est que le malade n’est pas
    tant celui qui souffre que celui qui, involontairement, fait souffrir ses proches. Du fait
    des difficultés de communication et d’une image très concrète de perte des capacités
    mentales et physiques, le malade renvoie son entourage à sa finitude, à sa peur de
    mourir, mais surtout à la peur de mourir “comme cela”… Il arrive que, dans une
    réaction de défense, les proches agissent déjà “comme si” le malade n’était plus là ou
    plus vraiment là… On appelle cela une réaction de deuil anticipé.
    C’est pourquoi l’accompagnement des proches durant la fin de vie des malades
    souffrant de démence est tellement important : il peut les aider, en les informant
    régulièrement sur l’évolution de la maladie et sur les soins donnés, à prendre le temps
    de séparer la vie, le mourir et le deuil car ces différentes phases donnent parfois
    l’impression pénible de se télescoper. La réflexion accompagnée par un psychologue
    peut aussi permettre la prise de conscience de sentiments ambivalents, et préparer
    une phase de deuil plus facile, ou tout au moins éviter des deuils compliqués voire
    pathologiques, en invitant à ce que Michel de M’Uzan a appelé le travail de trépas, c'està-
    dire un travail psychique de préparation à sa propre disparition.
    Cela est vrai aussi pour les soignants, confrontés de façon répétitive à la disparition de
    leurs patients dans ces circonstances difficiles, et donc à des deuils répétés, exposant à
    l’épuisement.
    Si le deuil est naturellement conditionné par la relation que l’on avait avec la personne
    qui est morte, on perçoit bien la difficulté de faire le deuil d’un malade dément, dont la
    personnalité a changé au fil de sa maladie, ce qui a justement appauvri la relation. Il se


    crée alors une distance et une distorsion entre l’image et le souvenir que l’on a de celui
    que l’on a connu et aimé et celui qui est là maintenant mourant.
    Le deuil sera plus simple si la dernière phase de vie du malade a permis un travail de
    réconciliation avec le passé et de reconstruction de la relation sur un mode d’échange
    affectif plus simple. On peut souhaiter seulement que, dans la durée, le temps du deuil
    permette un certain apaisement aux proches, si l’image ancienne et l’image récente du
    patient peuvent “refusionner”.
    C’est pourquoi l’accompagnement ne s’arrête pas avec la mort du malade, et il importe
    de proposer et d’organiser aussi l’accompagnement des endeuillés, s’ils l’acceptent.

    Les troubles de la communication verbale sont un élément majeur de déstabilisation de
    la famille et des soignants, surtout lorsqu’il faut prendre des décisions difficiles : Quel
    sens donner aux soins mis en place ? Quel est le sens du temps présent ? Quel est le
    sens des conduites du malade ?

    Quelle place pour l’expression du malade ?
    1 - Existe-il une expression possible pour la personne atteinte
    de maladie démentielle en fin de vie ?

    Oui, la personne âgée atteinte d’une maladie démentielle est une personne à part
    entière, jusqu’au bout, dont l’expression, verbale ou non, doit être prise en compte1 . Elle
    peut encore faire des choix même partiels.

    Le message n’est pas toujours identifiable lorsqu’il est exprimé par la personne
    malade (difficulté d’expression verbale, ambivalence, oublis, etc.). Aussi, le contenu de
    cette expression peut être relayé par des tiers (personnes de confiance, famille, équipe,
    personne référente).

    Les difficultés de communication peuvent ouvrir la voie à la maltraitance.

    2 - Comment accéder au message exprimé par le malade ?

    Le mode d’expression à un stade évolué de la maladie est principalement non verbal,
    sur le registre émotionnel.

    Comprendre les besoins de la personne malade nécessite humilité et sollicitude,
    attention et respect de la part du soignant.

    L’attitude empathique est à la base de toute communication. Elle permet de faire
    abstraction de ses sentiments personnels et de ne pas les projeter sur l’autre,
    d’accepter l’autre tel qu’il est, différent de soi sans jugement ni interprétation.

    Avant d’entrer en communication, le soignant se donne quelques secondes pour se
    centrer et se rendre disponible à l’autre, pour le voir, l’entendre, pressentir son état
    émotionnel, pour ajuster sa façon d’être en fonction de ce qu’il observe.

    En communication non verbale le soignant s’adresse au patient en utilisant sa voix
    (rythme, tonalité), la position de son corps (attitude, gestes, mouvements), le regard et
    le toucher.

    Il est juste de tenir compte autant que possible des renseignements recueillis
    auparavant sur les désirs et attentes du malade.

    Ces attitudes et ces techniques ne sont pas naturelles et demandent un apprentissage 1 voir chapitre “Etre en relation : persistance d’une
    en formation aux soins relationnels. vie affective et émotionnelle”.

    51



    VI - Fin de vie


    3 - Quelles conditions pour matérialiser la qualité de ce mode
    de communication ?

    La qualité de la fin de vie est inscrite dans le projet de vie et le projet de soins
    individuels, grâce au projet d’établissement ou de service à domicile.

    L’expression du manque de temps est un problème récurrent. Mais une meilleure
    organisation et une priorisation explicite des choix peuvent contribuer à une relation plus
    humaine. Une toilette, par exemple, peut être un véritable soin relationnel.

    4 - Comment concilier la parole des professionnels,
    celle de la famille et celle du malade ?

    La parole la plus légitime est celle du malade. Viennent ensuite celles du médecin
    traitant et de la personne de confiance. Si un problème médical se pose, la décision
    sera collégiale (démarche éthique).

    Faut-il tenir toujours compte de la parole des patients ? Plus longtemps que l’on croit,
    en tenant compte du moment et du contexte : hors situation de crise, hors tumulte du
    service.

    Problème de l’ambivalence : le malade peut exprimer des désirs paradoxaux qui
    peuvent se retrouver chez les aidants et soignants comme reflets de l’écoute qu’ils ont
    pu avoir du malade, voire de leurs propres projections (systémique). Le rôle de la
    personne de confiance est ici primordial.

    Prise en compte des directives anticipées “éclairées” dans le cadre légal 1.

    Quel accompagnement pour les familles
    et les professionnels ?
    1 voir chapitre “Tant que le patient a encore sa
    raison, comment peut-il prévoir son avenir ?”
    et encadré “Législation”.

    1 - Quel accompagnement pour les familles ?


    L’accompagnement de fin de vie des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou
    apparentée comporte une dimension temporelle longue et doit s’adapter aux phases
    évolutives de la maladie. Des temps de rencontre entre les professionnels et les
    membres de la famille doivent ponctuer l’accompagnement, autant pour l’information
    et l’orientation que pour les prises de décision. Ces rencontres ont une visée
    d’anticipation et permettent à chacun de penser l’avenir et de mettre du sens sur son
    vécu. L’accompagnement familial contribue à limiter le risque de deuil pathologique de
    fin de vie.

    Face aux risques d’épuisement, d’incompréhension, de ruptures et de crises,
    l’accompagnement des aidants informels représente un enjeu éthique majeur. Il doit être
    pensé dès le début de la maladie, poursuivi tout au long de l’évolution et jusqu’après la
    mort de la personne malade1 : information, formation, coordination, soutien psychologique,
    groupes de parole, associations de familles, etc.

    52



    2 - Quelle formation et quel soutien des personnels
    pour accompagner la fin de vie ?

    Une formation et un soutien spécifiques de tous les personnels confrontés à la fin de vie
    sont nécessaires (soin relationnel, techniques de communication non verbale, soins
    palliatifs, éthique, etc.). Cette formation doit être incluse dans une démarche générale
    d’amélioration de la qualité de vie des personnes atteintes de maladie d’Alzheimer et
    d’amélioration des pratiques professionnelles, tant au domicile qu’en institution.

    Il faut favoriser la collégialité des équipes et la participation des cadres, médecins et
    directeurs et des paramédicaux dans des collectifs de direction des soins (pas de
    personnel isolé, “gadgétisé”), la meilleure solution étant la formation in situ des acteurs.

    3 - Quel accompagnement pour les professionnels ?

    L’existence d’un projet d’établissement ou de service à domicile bien élaboré et un
    management clair sont indispensables pour donner et conserver du sens au soin et à la
    relation1 .

    L’accompagnement comprend : information adaptée, coordination, soutien et gestion du
    stress. Cela implique disponibilité, fiabilité et compétence technique.

    Quelles spécificités cliniques ?
    1 - Les personnes atteintes de maladie d’Alzheimer ou apparentée
    nécessitent-elles une approche spécifique ?

    Oui, l’existence de troubles cognitifs pose des problèmes spécifiques, d’ordres éthique
    et médical 1. La stigmatisation de cette maladie est susceptible de modifier le regard des
    soignants : l’inquiétante étrangeté du malade et un repli sur soi peuvent susciter en
    miroir un repli autiste du soignant, qui risque d’altérer la mise en application de ses
    compétences professionnelles.

    L’évaluation de la souffrance, des symptômes et des besoins est particulièrement
    difficile chez le patient atteint d’une maladie d’Alzheimer à un stade avancé du fait des
    troubles de la communication verbale. Le risque de retard diagnostique, de mauvaises
    pratiques (acharnement ou, à l’inverse, négligence passive et abandon thérapeutique),
    de sous-estimation de la souffrance, voire de maltraitance est donc majoré. Nombre
    d’évènements médicaux se manifestent sur un mode psychologique et/ou
    comportemental. Dans ce contexte, une des plus grandes difficultés est d’identifier un
    changement dans le comportement du patient, révélateur potentiel d’un événement
    médical intercurrent, et notamment d’un syndrome douloureux. Un danger est de trop
    vite attribuer à la seule maladie d’Alzheimer tout symptôme que l’on est amené à
    constater.

    C’est par une attitude volontariste que chacun, soignants et proches, doit lutter contre une
    tendance consciente ou non à dépersonnaliser le patient. C’est à la fois un pari de croire
    que l’être persiste et un engagement pour lutter contre de mauvaises pratiques.

    Les situations impliquant des prises de décision particulièrement complexes sont
    fréquentes et nécessitent une réflexion en équipe interdisciplinaire et interprofessionnelle.


    1 voir chapitre “Projet de soins et contrat de soins”.

    53



    VI - Fin de vie


    2 - Quels sont les symptômes cliniques qui posent fréquemment des
    problèmes en fin de vie ?

    Les symptômes cliniques ne sont pas fondamentalement différents de ceux rencontrés
    habituellement en fin de vie mais leur prévalence peut être différente.

    La douleur est fréquente, parfois iatrogène ou induite par les soins. Elle est, en
    particulier, difficile à interpréter : douleur ou inconfort ? Douleur ou angoisse ? Les signes
    sont souvent trompeurs (agitation, repli sur soi, cris, etc.) et il convient donc de réfléchir en
    équipe pour optimiser la démarche clinique. Il est parfois difficile de distinguer angoisse et
    douleur car, en fin de vie, l’angoisse peut se manifester, comme la douleur, par des signes
    indirects.

    Les difficultés de s’alimenter, voire l’apparent refus de s’alimenter, sont fréquentes au
    cours de l’évolution de la maladie démentielle. Il peut s’agir d’un trouble du
    comportement dont il convient de rechercher et de traiter la cause. Ces troubles
    peuvent en effet être révélateurs de dépression, de douleur, de mycose, d’anorexie
    iatrogène, d’opposition à une prise en charge trop contraignante… Ils apparaissent plus
    tardivement dans l’évolution de la maladie comme symptôme neurologique: apraxie
    buccolinguale ou pharyngée avec trouble de la déglutition. A ce stade, le but de
    l’alimentation est d’apporter un certain confort et non de répondre aux exigences
    nutritionnelles. L’alimentation artificielle par GPE ou sonde naso-gastrique n’a que très
    peu d’indication, les résultats d’études cliniques ou l’expérience ayant montré que la
    souffrance engendrée par cette pratique était supérieure aux bénéfices escomptés.

    Si la sensation de soif diminue et demande une attention soutenue, l’hydratation par voie
    orale reste longtemps facile en l’adaptant, en cas de troubles de la déglutition, aux seuls
    liquides (eau gazeuse, épaississants) ou en la complétant par une perfusion sous-cutanée
    si elle est acceptée (pas de contraintes) et bien tolérée. Il convient de savoir l’interrompre
    en toute fin de vie lorsque apparaissent des oedèmes ou un encombrement pulmonaire.
    Les soins de bouche seront alors particulièrement attentifs pour le confort du patient.

    L’asthénie est souvent intense mais sous-évaluée. Il convient d’en tenir compte, et de
    savoir modifier sa démarche soignante au cours de l’évolution de la maladie : si une
    stimulation appropriée du patient est de mise dans les stades modérés ou même
    relativement avancés, le respect de cette grande fatigue et de l’altération de l’état général
    doit faire accepter le maintien presque exclusif au lit pour la majorité de ces patients
    durant leur long mourir.

    3 -Quels sont les problèmes spécifiques liés à la sédation en fin de vie ?

    La sédation en soins palliatifs fait l’objet de nombreux débats. On ne dispose pas de
    données sur son utilisation chez les patients ayant une maladie d’Alzheimer.
    L’utilisation de la sédation en soins palliatifs a été réalisée par des “cocktails lytiques”
    et actuellement le plus souvent par le midazolam. Sous ce terme, sont regroupées des
    pratiques différentes dont les objectifs, souvent mal définis, prêtent à confusion avec
    l’euthanasie.

    La sédation est avant tout une technique d’anesthésie que les réanimateurs définissent
    comme “l’utilisation de moyens médicamenteux ou non, destinée à assurer le confort
    physique et psychique du patient, et à faciliter les techniques de soins”.


    Si les objectifs de la sédation sont clairement exposés, il n’est rien dit de l’altération

    de la vigilance et/ou de la conscience du malade, or c’est ce qui pose problème car la

    sédation altère volontairement la vigilance et donc la relation, ce qui est à l’opposé de

    l’approche palliative qui souhaite améliorer la qualité de la fin de vie en préservant une

    vie relationnelle. Le danger réside dans le fait qu’une personne ayant une maladie

    d’Alzheimer présente déjà des troubles de la communication et se manifeste parfois au

    stade évolué par des cris ou des gémissements. Comment faire la part des choses

    entre souffrance et communication ? Comment répondre aux demandes de sédation

    argumentées par l’aspect pauci-relationel antérieur de la personne malade ?

    La sédation est censée répondre essentiellement à la nécessité de soulager le patient

    lors de souffrances résistantes aux traitements classiques, son maintien n’est pas

    envisagé a priori.

    Les enjeux de la sédation

    -Pour induire une sédation en fin de vie, les médecins utilisent certains médicaments
    habituellement réservés à l’usage des anesthésistes, hors AMM. N’est-ce pas trop
    facile ? Est-ce toujours à bon escient ? L’altération de la conscience n’empêche pas
    un travail psychique. Qu’éprouvent les patients ? Nous l’ignorons.

    -Faut-il enfin rappeler que le recours à la sédation nécessite l’accord du malade,
    plus encore que tout autre traitement ? Comment recueillir son consentement ?
    -Altérer la vigilance jusqu’à mettre en jeu ses capacités de jugement et de relation
    même altérées par la maladie ne peut être décidé impunément.

    -Enfin, comment estimer le caractère insupportable d’une situation et de la
    qualification de symptôme réfractaire nécessitant une sédation ? Sur quels critères
    se fonder ? À l’intention de qui la sédation est-elle alors prescrite ? Les soignants et
    l’entourage ne ressentent-ils pas parfois une angoisse supérieure à celle du malade
    comme le montrent certaines études 1 ? Les proches ont besoin d’être accueillis,
    écoutés, soutenus. Il paraît indispensable de prendre le temps de les informer, de
    dissiper des malentendus et de l’encourager à accompagner encore, mais peut-
    être autrement, le malade. Dans certaines situations, le malaise des soignants est
    également important.

    -La banalisation de la sédation, en l’absence de symptôme résistant ou de situation
    de détresse, ne témoigne-t-elle pas, pour une part, de la difficulté des soignants à
    communiquer avec un malade à la fois souffrant d’une maladie d’Alzheimer et en
    fin de vie ?

    -La sédation risque alors de devenir une euthanasie déguisée. En effet, la vie du
    malade profondément sédaté perd peu à peu son sens aux yeux de l’entourage qui
    s’épuise et des soignants eux-mêmes qui ne savent plus pourquoi ils consacrent
    autant de temps aux soins d’un malade qui ne communique plus et dont on attend
    le décès. Pourquoi alors attendre davantage ? Le malade Alzheimer court le risque
    de mort sociale une première fois par sa maladie et une seconde fois par la fin de vie.

    -Si l’anxiolyse, ou sédation légère pose peu de problèmes, l’induction d’une sédation
    profonde reste délicate. Elle suppose une adaptation permanente à l’évolution de
    l’état du malade et une pratique collégiale du soin en accord avec le patient et sa
    famille pour que la sédation reste bien de l’ordre du soin. Les recommandations de
    l’AFSAP (Agence Française de Sécurité Alimentaire et Pharmaceutique) sur les
    situations difficiles peuvent aider à y voir plus clair. C’est en privilégiant la relation
    avec le malade et son entourage et en ayant recours systématiquement à une
    décision collégiale que les risques de banalisation et de dérive de la sédation
    pourront être évités.

    -Même en cas de détresse, le recours à une sédation reste une solution insatisfaisante
    et imparfaite.

    1 Morita Morita T, Inoue S, Chihara S. Sedation for
    symptom control in Japan : the importance of
    intermittent use and communication with family
    members. J Pain Sympt Manag 1996;12:32-38.

    55



    VI - Fin de vie


    GRILLE DE CRITERES D’AIDE
    A LA DECISION EN GERIATRIE


    (RENEE SEBAG-LANOË)

    1.
    Quelle est la maladie principale
    de ce patient ?
    2.
    Quel est le degré d’évolution
    de la maladie ?
    3.
    Quelle est la nature de l’épisode
    actuel surajouté ?
    4.
    Cet épisode est-il facilement curable
    ou non ?
    5.
    Y a-t-il eu une répétition récente
    d’épisodes aigus rapprochés ou une
    multiplicité d’atteintes pathologiques
    diverses ?
    6.
    Que dit le malade, s’il peut le faire ?
    7.
    Qu’exprime-t-il à travers son
    comportement corporel et sa
    coopération aux soins ?
    8.
    Quelle est la qualité de son confort
    actuel ?
    9.
    Qu’en pense la famille ?
    10. Qu’en pensent les soignants qui
    le côtoient le plus souvent ?
    4 - Comment optimiser la démarche clinique ?


    Ces malades nécessitent un engagement particulier des soignants, compte tenu de
    leur particulière vulnérabilité.

    L’objectif est la qualité de vie du patient. Elle est difficile à évaluer car le malade est
    souvent grabataire, mutique, dysphagique, avec des épisodes infectieux répétés. De
    plus, cet état se prolonge souvent dans le temps, et ce long mourir est éprouvant pour
    le patient comme pour l’entourage. Une prise de conscience de nos ambivalences
    respectives (celles du soigné, celles des soignants) est nécessaire.

    La prise en compte de l’aspect psychique ne doit pas occulter la dimension physique :
    la personne atteinte de maladie démentielle est un malade à part entière pour lequel, à
    chaque complication, le diagnostic doit être soigneusement posé et les traitements
    curatifs nécessaires mis en place. Tout patient doit être examiné et évalué de façon
    multidimensionnelle par une équipe pluridisciplinaire. On définit des objectifs, et les
    évaluations doivent être répétées souvent, tant sur l’état du patient que sur les
    nouveaux objectifs.

    Lorsque la vie est menacée par un accident évolutif, une pathologie associée, il
    existe un risque d’abandon thérapeutique. Il convient de mesurer le bénéfice/risque de
    chaque intervention.

    Tout malade a droit aux soins palliatifs lorsque ceux-ci deviennent les mieux adaptés à
    son état.

    La fin de vie nécessite le recours au système de soin pour permettre une prise en charge
    de qualité, à domicile si elle est désirée. Les aidants doivent être informés du recours
    possible aux équipes de soins palliatifs à domicile, à l’hospitalisation à domicile (HAD)
    et aux associations de bénévoles spécialisés dans cet accompagnement. Si une fin de
    vie à domicile n’est pas souhaitée ou envisageable, l’entourage doit être informé des
    alternatives hospitalières possibles.

    5 - Quelles sont les conditions de délibération en équipe ?

    La démarche éthique inclut les quatre grands principes de dignité, solidarité, équité
    et autonomie-liberté. La solution est toujours plus vaste que le problème.

    La maladie d’Alzheimer, en détruisant la communication, ne permet pas aux soignants
    de se prévaloir du consentement éclairé du patient, et les oblige à l’interprétation, face à
    des épisodes pathologiques souvent multiples et intriqués. Elle impose bien souvent de
    décider de l’opportunité d’un traitement, de sa limitation, de son arrêt ou d’une orientation
    exclusive vers les soins palliatifs.

    La délibération est la manifestation d’une prudence qui doit présider à la prise de
    décision : non pas tournée vers un bien suprême, mais vers un moindre mal, qui
    constitue le seul bien relatif que l’équipe peut s’assigner comme but. Cette délibération
    doit s’attacher à renouer autant que possible le fil d’une histoire, celle du patient, alors
    qu’a disparu sa mémoire.

    Dans les prises de décision, on s’efforcera de respecter les désirs du patient, s’il peut
    encore les exprimer, ou bien ses éventuelles directives anticipées. Il convient de s’interroger
    sur la place laissée aux proches, à la personne de confiance. Cela nécessite une
    certaine patience des soignants, pour laisser advenir le temps de l’autre.

    Les décisions sont prises en équipe pluridisciplinaire, en essayant de rechercher un
    consensus et en s’aidant éventuellement de référentiels ou d’outils spécifiques, comme
    la grille d’aide à la prise de décision de Renée Sebag-Lanoë, ou de l’avis de tiers
    provenant d’autres horizons du soin (équipe de soins palliatifs, médecin d’une
    discipline différente, etc.).

    56



    On s’attachera à mettre en balance les bénéfices attendus et les risques potentiels des
    différentes solutions envisagées.

    Cette façon de travailler doit explicitement figurer dans le projet d’établissement ou de
    service à domicile. Les principes fondamentaux ainsi que les règles du jeu doivent en
    être préalablement établis. L’aspect pluridisciplinaire et collégial des débats est le
    meilleur garant contre les excès et les erreurs.

    C’est toujours le médecin qui prend au final la décision et en assure la responsabilité.

    Les équipes devraient être formées à des méthodes rigoureuses d’analyse des
    pratiques.

    Acharnement thérapeutique, abandon,
    euthanasie : quelles dérives ?
    1 - Quel bien-fondé pour nos actions en matière de traitement ?
    Il est difficile de définir le temps de fin de vie et les frontières entre persévérance
    justifiée et acharnement thérapeutique, cessation d’un traitement jugé “futile” et abandon,
    qui peut être aussi restriction des soins.
    Des principes, valables quel que soit le lieu de vie de la personne (domicile, EHPAD,
    hôpital), peuvent guider l’action face à un patient atteint de maladie démentielle en fin de
    vie pour éviter les dérives :
    -Des principes éthiques1 .
    -Des principes d’action (prise en compte de la douleur, confort, relation affective,
    spécificités culturelles, ouverture spirituelle, etc.).
    -Des principes d’organisation :
    . réflexion collégiale et multidisciplinaire ;
    . un “leader” compétent pour mener la réflexion (pas forcément le médecin) et
    permettre l’expression de chacun ;
    . un lieu et une durée définis ;
    . établir un calendrier et l’adapter aux événements évolutifs pour tenter
    d’anticiper et ne pas être dans la précipitation ;
    . assurer la présence au moins symbolique de la personne (une chaise vide ?) ;
    . laisser le temps au cheminement réflexif de chacun.
    1 Voir chapitre précédent “Quelles sont les conditions
    de délibération en équipe ?”

    57



    VI - Fin de vie


    DEFINITIONS DU GROUPE DE TRAVAIL

    • L’abandon est l’absence de soins adaptés par négligence, par méconnaissance, par incompétence,
    par manque de considération de la personne atteinte de maladie démentielle en fin de
    vie, par manque de personnel, épuisement des soignants, perte du sens du soin. Le malade
    objet d’abandon est victime d’une perte de chance (ne pas avoir reçu un soin qui aurait
    maintenu ou amélioré son état de santé ou sa qualité de vie). Il concerne le traitement médical, le
    soin infirmier, le soin relationnel, la rééducation (réhabilitation de confort) et l’accompagnement.
    • La cessation des soins à visée curative est le résultat d’une décision ayant fait l’objet d’une
    réflexion partagée. La cessation des soins justifiée est une bonne mesure des soins palliatifs,
    alors que l’abandon en est la dérive extrême.
    • L’acharnement (thérapeutique) prodigue des soins non justifiés, dont les bénéfices attendus
    sont moindres que les risques prévisibles. Il peut faire suite à une période d’abandon, par
    culpabilité, souci de rattrapage, peur de ne pas avoir tout tenté. Ils ont à voir avec la non-
    acceptation de l’échec médical et personnel, la volonté de garder la maîtrise face à la maladie
    et à la mort. Il vient à l’encontre de l’idée des soins palliatifs actifs pour lesquels l’action est
    persévérante et justifiée (suite à une concertation d’équipe) mais dont l’objectif n’est plus de
    prolonger la vie.
    • L’euthanasie, au sens de donner la mort avec préméditation, est volontaire du point de vue du
    patient s’il la réclame, involontaire quand elle se fait à l’insu du malade. L’assassinat compassionnel
    est une dérive de la toute puissance : “Je sais ce qui est bon pour l’autre”.
    EUTHANASIE : DEFINITIONS

    L’euthanasie est une action ou une omission dont l’intention première vise la mort d’un malade
    pour supprimer la douleur. L’euthanasie est une mort imposée qui s’oppose à la mort naturelle. La
    distinction entre l’euthanasie et l’interruption de soins disproportionnés est essentielle.
    L’euthanasie volontaire directe ou active est l’administration volontaire afin de provoquer la mort
    dans un but compassionnel à quelqu’un qui la demande parce qu’il est atteint d’une maladie
    grave, incurable et douloureuse.
    L’euthanasie indirecte ou “double effet” est l’administration volontaire de substances visant à
    soulager la douleur mais pouvant provoquer un risque vital aux doses utilisées et nécessaires
    pour soulager la douleur.
    L’euthanasie passive est le renoncement aux thérapeutiques curatives inefficaces.
    L’euthanasie involontaire est l’“assassinat compassionnel”.
    “L’euthanasie d’exception” est une notion proposée par le Comité Consultatif National d’Éthique
    afin de permettre, dans certains cas exceptionnels, de provoquer la mort d’un malade.
    L’aide au suicide ou suicide assisté est une méthode qui consiste à mettre du poison dans la
    seringue et à faire appuyer par le malade afin d’éviter les poursuites.


    LE DOUBLE EFFET (1)

    • Enoncée par Thomas d’Aquin au XIII è siècle, à propos de la légitime défense, la règle du double
    effet appartient à la tradition de la théologie morale (2). Elle est aujourd’hui exposée sous la forme
    suivante(3) :
    “On peut accomplir un acte ayant à la fois un bon et un mauvais effets seulement si le bon effet
    est supérieur au mauvais et si, de surcroît, au moins les conditions suivantes ont été remplies :
    - l’acte en lui-même doit être bon ou moralement neutre, ou tout au moins ne doit pas être interdit ;
    -le mauvais effet ne doit pas être un moyen de produire le bon effet, mais doit être simultané ou
    en résulter ;

    - le mauvais effet ne doit pas être intentionnel ou approuvé, mais simplement permis ;
    -l’effet positif recherché doit être proportionnel à l’effet indésirable et il n’y a pas d’autre moyen
    pour l’obtenir.”

    • Au total, on peut souligner que deux notions sont particulièrement importantes dans l’application
    en médecine de cette règle du double effet :
    -le principe de proportionnalité, qui la guide, et permet la mise en oeuvre de mesures médicales
    de dernier recours, en imposant une délibération préalable, de préférence collective ;
    -l’intention, qui reste au coeur de la théorie du double effet (4), et l’on peut dire qu’“un acte qui
    précipite délibérément la mort ne serait pas sous le couvert de ses principes”.
    2 - Quelles dérives ?


    Le risque de discrimination dans l’accès aux soins palliatifs pour les personnes
    atteintes de maladie démentielle et en particulier celles issues de milieux socioéconomiques
    défavorisés.

    La tentation de légiférer et d’encadrer les décisions médicales difficiles en fin de vie
    concernant les personnes incapables d’exprimer leur volonté en lieu et place de la
    création d’espaces de réflexion éthique.

    Le risque de légitimer l’euthanasie des déments par les directives anticipées et la
    tentation de se prémunir à l’avance de l’évolution de cette maladie et de ses propres peurs,
    angoisse, souffrances confondues avec celles du malade.

    Et plus insidieusement, les contraintes économiques ouvrant la voie à l’abandon de prise
    en charge qui est de l’ordre d’une dérive euthanasique.

    (1) JC Fondras, in Médecine Palliative, N° 2,
    Décembre 2002
    (2) Thomas d’Aquin, Somme Théologique.
    Paris : Editions du Cerf, 1985, II,II, 64, a.7-8
    (3) P Blackburn. L’éthique, fondements et
    problématiques contemporaines.
    Saint-Laurent, Québec : ERPI; 1996
    (4) A Thorns, in European Journal of Palliative care,
    1998 ; 5.
    59



    VI - Fin de vie

    Législation de la fin de vie
    LEGISLATION FRANÇAISE

    La loi n° 99-477 du 9 juin 1999 visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs

    -définition des soins palliatifs ;

    -droit à l’accès aux soins palliatifs pour la personne malade en institution ou à domicile ;
    -droit de refuser pour la personne malade toute investigation ou thérapeutique ;
    -droit pour l’aidant à un congé d’accompagnement.
    La loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé

    -droits des usages en matière d’information, de consentement, dossier médical…
    -statut juridique de la personne de confiance ;
    -réparation et accidents thérapeutiques.
    La loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie

    -refus de l’obstination déraisonnable et obligation de dispenser des soins palliatifs ;
    -principe du double effet ;
    -obligation de mise en oeuvre d’une procédure collégiale en cas d’arrêt ou de limitation de
    traitement ;

    -renforcement du rôle de la personne de confiance à travers la procédure collégiale
    -statut juridique des directives anticipées ;
    -développement des soins palliatifs.
    COMITÉ CONSULTATIF NATIONAL D’ETHIQUE
    En 2000, le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) plaide pour une interdiction de l’euthanasie
    active, mais également pour une sorte d’exception pour les cas extrêmes, à condition de prendre
    en compte les exigences éthiques suivantes :

    • il ne peut s’agir que de situations limites ou de cas extrêmes ;
    • l’autonomie du patient doit être formellement respectée et manifestée par une demande
    authentique (libre, répétée, exprimée oralement ou antérieurement dans un document).

    Pour conclure


    L
    L
    a réflexion éthique conduit à un questionnement sur la dignité humaine, la
    solidarité et la justice. Mais, c’est souvent devant des situations intolérables,
    injustes que survient un “sursaut éthique”. Il s’agit souvent de situations de
    crises qui pourraient être prévenues. La personne atteinte de maladie
    d’Alzheimer évolue souvent de crise en crise émotionnelle et relationnelle.
    Beaucoup de ces crises pourraient être évitées par une démarche d’anticipation.
    Une attention quotidienne des proches et des soignants associée à une vision globale
    de la situation permet souvent d’anticiper les difficultés, et offre au malade un parcours
    moins heurté, moins violent, moins douloureux et plus paisible.
    Donc c’est toujours en situation que s’applique une démarche éthique.

    Ces crises avec débats éthiques apparaissent lorsque :
    -il y a conflit d’intentions ou d’intérêts entre la personne âgée malade et ceux qui la
    prennent en charge ;

    - il y a décision à prendre avec des choix qui comportent des risques ;
    - il y a incertitude sur le résultat des actions entreprises ;
    - il y a contrainte entraînant des privations de liberté ;
    - il y a intervention à un coût économique élevé pour des ressources rares,
    -il y a situation d’urgence où l’information est nécessairement incomplète pour
    prendre des décisions ;

    -il y a danger d’isolement voire d’abandon en fin de vie de ces malades lorsque la
    communication est devenue très difficile.
    Le débat éthique fait référence à des valeurs morales. La hiérarchie en est différente
    pour chacun. Elle est liée aux valeurs dominantes de notre société et à l’histoire
    personnelle de chacun. Le conflit éthique naît d’une tension voire d’une contradiction
    entre ces valeurs. Par exemple : liberté/sécurité ; équité/égalité ; respect de l’autonomie/
    protection des faibles…
    Lorsque les décisions sont difficiles à prendre, quels sont les acteurs en cause ?
    Car il s’agit d’une partie qui se joue à plusieurs : le sujet âgé lui-même, la famille ou
    l’entourage, les professionnels, et l’institution soignante ou hébergeante.
    Le malade lui-même est un sujet âgé fragile et vulnérable avec d’autres pathologies
    qui s’ajoutent à la maladie d’Alzheimer.
    Les situations de crises peuvent être dues à l’évolution de la maladie démentielle, aux
    pathologies associées, à l’incompréhension devant les agissements du patient, ou à la
    compétence insuffisante des intervenants, ou encore à l’interprétation variable des
    symptômes par les soignants et les médecins, particulièrement des symptômes
    douloureux.
    Les difficultés importantes surviennent lorsque la personne âgée n’est pas reconnue
    comme acteur de la décision la concernant, son avis n’étant ni demandé ni recherché.
    On la considère comme un incapable. Les décisions en période de crise seront d’autant
    plus difficiles à prendre que l’histoire de vie du malade âgé n’est pas connue, qu’il y a
    manque d’information sur le vécu affectif et relationnel passé, sur les choix antérieurs
    et les valeurs du malade âgé.
    Les crises arrivent d’autant plus facilement que l’histoire familiale comporte des
    conflits et des ruptures antérieures qui n’ont pas été réparés. Des avis divergents entre
    les membres de la famille sur les modes de prise en charge ou le choix de vie pour la
    personne âgée aggravent ces crises.
    Cela peut survenir par exemple entre le conjoint et les enfants. La situation est
    fragilisée lorsqu’un soutien insuffisant est apporté à la famille, en particulier s’il s’agit
    d’un conjoint âgé et lui-même malade. Des abus plus ou moins acceptés par la
    personne âgée peuvent survenir lorsqu’il y a des conflits d’intérêts financiers entre la
    personne âgée et ceux qui la prennent en charge.


    Pour conclure


    Plusieurs éléments de cette préface ont été extraits
    d’un texte remis pour l’expertise INSERM sur la
    maladie d’Alzheimer et du livre “Alzheimer : vous avez
    dit démence ?” de François BLANCHARD,
    Gérard CHEMLA, René DAVAL, Didier MARTZ,
    Isabella MORRONE, Jean-Luc NOVELLA,
    Elisabeth QUIGNARD aux Editions Le Bord de l’Eau.


    Dans ces conflits où l’émotionnel devient irrationnel, on balance entre sur-protection
    familiale et à l’inverse abandon familial avec phénomène de deuil anticipé.
    L’entourage professionnel manque souvent de temps et de compétences. On fait des
    choses que l’on n’a pas envie de faire ou que l’on ne devrait pas faire et on ne fait pas
    des choses qu’on devrait faire ou qu’on voudrait faire. Le plus souvent les crises
    surviennent dans un contexte de surcharge de travail avec risque de dérapage. La
    situation s’aggrave lorsque s’ajoutent insuffisances de compétences gériatriques
    médicales et paramédicales ou insuffisances de compétences de management du
    personnel. Dans ces circonstances, il ne faut pas négliger les défauts de contrôle, les
    projections et les fantasmes face à la vieillesse, à la maladie et à la mort.
    Ceci peut conduire à des dérives très délétères voire mortelles … d’autant plus si
    l’institution lamine les possibilités d’expressions pour les soignants.

    Une démarche éthique

    Dans ces situations de crises (en particulier lorsqu’il s’agit d’un problème de santé),
    plutôt que des solutions, nous pouvons proposer une démarche éthique pour créer les
    conditions qui rendront plus faciles la résolution dans le sens du respect et de la dignité
    du malade.

    Cette démarche repose sur un trépied de base :

    1. Rendre au malade âgé sa place de sujet âgé à part entière avec son identité et son
    histoire propre. Soulignons l’importance de la qualité de l’écoute sans projection en
    aidant le sujet à s’exprimer, en cherchant le sens de ses comportements non
    verbaux.
    2. Donner du temps au temps. Les urgences qui engagent le pronostic vital sont rares.
    Ce temps permet de prendre la distance indispensable pour comprendre ce qui se
    passe, dénouer et apaiser les crises.
    3. Créer une triangulation. Il est nécessaire d’introduire un tiers, de ne pas s’enfermer
    dans une relation à deux, où le malade est en position de faiblesse.
    Ce tiers peut être un psychologue, un médecin consultant extérieur, tout autre
    référent non impliqué et dont la compétence est reconnue. Il n’est pas souhaitable
    qu’il soit en position d’autorité hiérarchique et administrative.
    Ce trépied étant acquis, la démarche éthique peut ensuite être engagée en quatre temps
    selon onze critères principaux.

    Premier temps : analyse de la situation

    1.
    Se rendre auprès du sujet âgé malade pour rechercher ses souhaits, ses choix, ses
    désirs dans ses propos et par son comportement non verbal.
    2.
    Chercher plus d’informations :
    • sur le sujet âgé, à travers son histoire de vie, ses comportements antérieurs, les
    valeurs qu’il a manifestées ;
    • sur la maladie elle-même et les maladies associées, leur degré d’évolution, leur
    pronostic, les possibilités thérapeutiques ;
    • sur le problème actuel. Est-il identifié, accepté et bien compris par les différents
    acteurs ?
    La recherche d’informations est un temps fondamental qui peut largement être
    anticipé par un recueil d’éléments avant que la maladie ne soit à un stade sévère.
    3.
    Identifier les problèmes éthiques : quelles sont les valeurs en opposition ? Quels
    autres conflits sont sous-jacents ? Quels sont les enjeux pour les différents acteurs ?
    62



    Deuxième temps : recherche de solutions

    4.
    Prendre du recul, trouver un moment et un lieu pour une discussion, à plusieurs,
    avec la famille, avec les soignants. Cette discussion devrait se faire en présence du
    malade. Soulignons aussi l’intérêt d’une anticipation, d’une réflexion préalable qui
    permettra de prendre du recul au moment de la crise.
    5.
    Être créatif, trouver plusieurs solutions ou propositions :
    • Une solution unique est une impasse ;
    • Deux solutions enferment dans un dilemme de type binaire ;
    • Trois solutions permettent un véritable choix et ouvrent souvent vers d’autres
    possibilités ou une autre issue, une quatrième voire une cinquième solution.
    6.
    Vérifier la faisabilité, le coût et la conformité juridique des solutions retenues.
    Adapter la solution à un contexte qui peut changer.
    Troisième temps : prise de décisions

    7.
    Prendre une décision et en assumer les conséquences après avoir envisagé en
    équipe plusieurs possibilités différentes. C’est la responsabilité et le rôle du
    médecin lorsqu’elle concerne la santé au sens large. Lorsque la décision est lourde
    et le résultat incertain, il n’est ni juste ni éthique de faire prendre cette décision par
    la famille. En cas d’échec avec des conséquences dramatiques, elle en porterait
    ensuite la culpabilité.
    8.
    C’est le devoir et l’honneur du médecin d’assumer cette décision.
    Parfois aussi, le médecin pourra aider à “délier” un proche d’une promesse faite de
    “ne jamais placer en institution” ou “de rester toujours à la maison” lorsque cela
    est devenu intenable.
    9.
    Faire connaître et expliquer la proposition retenue. Retourner auprès du malade
    pour lui en faire part et rechercher son accord par une vérification verbale et non
    verbale.
    10. Laisser des traces écrites de la décision prise et du contexte dans le dossier
    médical et le dossier de soins. C’est une obligation légale.
    Ces traces écrites et ces explications sont indispensables pour éviter des décisions
    contraires qui seraient prises ultérieurement dans un contexte d’urgence par des
    intervenants non avertis, comme un interne ou un médecin de garde.
    Quatrième temps : réévaluation

    11. La décision prise est un choix qui engage et auquel on doit se tenir ; mais il est
    toujours temporaire et doit être régulièrement revu et réadapté. La date où la
    situation sera réévaluée, et où les décisions seront réexaminées, doit être précisée
    et également notifiée par écrit.
    Cette démarche en quatre temps apporte dans la tempête de ces situations difficiles
    comme un repère et un phare pour trouver la bonne navigation vers des eaux plus
    calmes car, comme le disait déjà Sénèque, “il n’est pas de vent favorable à celui qui ne
    sait où il va”.
    D’autres difficultés ou conflits naîtront sans doute. Les discussions ne seront jamais
    closes et les réponses ne seront jamais définitives (ce qui serait contraire à une
    démarche éthique).

    Restons vigilants et attentifs, prévoyants, capables de “sursaut éthique”, capables
    d’engager une réflexion collective pour prévenir les situations difficiles. Cette
    conscience éthique éveillée et partagée permettra de tendre vers cet idéal, proposé par
    Paul Ricoeur, d’“une vie bonne pour soi, pour et avec l’autre dans des institutions justes”.
    Pour autant, restera toujours le mystère de la personne humaine car, comme le dit
    Emmanuel Levinas, “rencontrer autrui, c’est être tenu en éveil par une énigme”.

    Plusieurs éléments de cette conclusion ont été extraits
    d’un texte remis pour l’expertise INSERM sur la
    maladie d’Alzheimer et du livre “Alzheimer : vous
    avez dit démence ?” de François BLANCHARD,
    Gérard CHEMLA, René DAVAL, Didier MARTZ,
    Isabella MORRONE, Jean-Luc NOVELLA,
    Elisabeth QUIGNARD, aux Editions Le Bord de l’Eau.


    Professeur François BLANCHARD

    63



    Alzheimer


    l’éthique en questions



    Concept Santé -01/07




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