De nombreux étudiants se servent de notre site pour rédiger leur mémoire ... puis "oublient" de nous donner de leurs nouvelles.
Christelle nous a autorisé à publier son mémoire ici. Bravo pour son excellente étude... et mille fois merci, au nom de toutes celles ceux qui auront lidée, grâce à elle, de "rebondir" sur ce sujet !
Sommaire :
INTRODUCTION
DEMARCHE METHODOLOGIQUE
- 1) Recherches bibliographiques
- 2) Les entretiens
I) La personne âgée en accueil familial : état des lieux
- 1) Définitions et formes de la vieillesse
- 2) Vieillesse et santé
- 3) Représentation de la personne âgée au sein de la famille
- 4) La personne âgée créatrice demplois
B) Laccueil familial des personnes âgées : dhier à aujourdhui
- 1) Définition et développement de laccueil familial
- 2) Un paysage flou
C) la réglementation de laccueil familial
- 1) Une reconnaissance nécessaire à lexercice de lactivité : lagrément
- 2) Une définition incohérente de laccueil familial : le contrat
- 3) La formation et le suivi des accueils familiaux : des notions discutables
D) Un timide cheminement de la professionnalisation : la loi du 17 janvier 2002 et les décrets du 31/12/2004
- 1) La loi du 17 janvier 2002 rénovant laction sociale et médico-sociale et les décrets du 31/12/2004
- 2) Une loi sujette à la controverse
II) Laccueillant familial des personnes âgées : la réalité au quotidien
A) Profil et motivations des accueillants familiaux et des personnes âgées
- 1) profil des accueillants familiaux
- 2) profil des accueillis
B) Motivations des accueillants familiaux et raisons de lorientations en accueil familial des personnes âgées
- 1) La motivations des accueillants
- 2) Les raisons de lorientation en accueil familial pour la personne âgée
C) Laccueil familial : vie professionnelle et vie privée
- 1) les liens affectifs entre accueillant familial et personne âgée
- 2) Des répercussions sur la vie familiale de laccueillant
- 3) organisation et adaptation
a) Lorganisation de la journée
b) famille et personnes âgées : une adaptation réciproque
D) Etre accueillant familial : une mission difficile
- 1) Un grand manque de liberté
- 2) Des revendications concernant leur statut
PROBLEMATIQUE ET HYPOTHESE
OUTILS DOBSERVATION
CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE
ANNEXES : GRILLES DENTRETIEN
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Extraits
(...)
B) Laccueil familial des personnes âgées : dhier à aujourdhui
1) Définition et développement de laccueil familial
Le terme accueil désignant, daprès le dictionnaire Larousse, laction, la manière daccueillir, de recevoir, peut revêtir deux aspects, médical et social.
Laccueil familial thérapeutique a pour objectif la poursuite dun programme de soins dans une famille assurant un cadre sécurisant dans un milieu stable et chaleureux. La famille daccueil étant un partenaire de léquipe, représente un élément de la réussite du traitement.
Laccueil familial social pour les personnes âgées est différent dans son projet et sa mission. Son but est de répondre aux problèmes de toutes ces personnes, quelles soient valides et autonomes, fragiles, handicapées ou malades, mais dont létat ne nécessite pas une hospitalisation.
Accueillir cest dabord bien sûr assurer le gîte et le couvert dans des conditions satisfaisantes, cest aussi offrir un cadre familial stable et chaleureux permettant la continuité dune vie sociale et relationnelle, cest aussi aider la personne à assumer tout les actes dentretien de la vie courante (toilette, habillage,..), apporter de lattention, ou encore soigner. Mais accueillir cest aussi donner à la personne âgée lassurance que toutes ces actions pourront être maintenues jusquà la fin de sa vie. Cette activité ne se résume donc pas uniquement au simple fait de recevoir quelquun.
Laccueil, par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, de personnes âgées est le fruit dune longue histoire. En effet, on trouve trace de cet accueil familial dès la Révolution : « le comité de mendicité préconise ( ) si lon ne peut faire appel à la famille, de les confier à une famille daccueil à condition quils aient plus de 60 ans et moyennant une pension » .
Ce dispositif était donc identifié à une structure dhébergement où, en contrepartie dun service, la famille était rémunérée.
Cette possibilité est régulièrement évoquée dans les différents textes de loi.
Au début du 20éme siècle, la loi du 14 juillet 1905 concernant lassistance obligatoire aux vieillards, aux infirmes et aux incurables privés de ressources indique les modes dassistance à domicile ou de placement. Dans les articles de ce texte sont successivement mentionnés « le placement familial ou le placement chez un particulier, voire le placement dans des familles étrangères, dont les conditions sont fixées par le conseil général »
Dans les années 50, larticle 157 du Code de la famille et de laide sociale revient sur ces différentes possibilités : « toute personne âgée de 65 ans, privée de ressources suffisantes peut bénéficier, soit dune aide à domicile, soit dun placement, chez des particuliers ou dans un établissement. »
En 1959, le décret du 7 janvier vient réglementer laccueil familial : « Toute personne âgée qui ne peut être utilement aidée à domicile peut être placée, si elle y consent, dans des conditions précisées par décret, soit chez des particuliers, soit dans un établissement hospitalier ou une maison de retraite publique, ou à défaut dans un établissement privé. »
Laccueil familial devient alors une issue lorsque toute les possibilités de maintien à domicile ont été épuisées.
Le décret du 13 avril 1962 ayant trait au placement familial des personnes âgées, aveugles, infirmes et grands infirmes bénéficiaires de laide sociale, précise le montant de la pension octroyée au particulier ainsi que le pécule laissé à la personne âgée, rappelle lexistence dune convention passée entre le préfet et le particulier et évoque la surveillance régulière du placement.
Dans ce contexte législatif, laccueil familial des personnes âgées se présente comme un dispositif répondant plutôt à une logique commerciale quà une logique sociale. Ce cadre privilégie le salaire des familles daccueil aux besoins des personnes accueillies et à la qualité des réponses humaines de ces familles.
En effet, ce dispositif se met en place dans le cadre daccord effectué à lamiable entre laccueillant familial et la personne âgée et à aucun moment il nest prévu dintermédiaire permettant de réguler les rapports humains entre la personne accueillie et la famille daccueil.
2) Un paysage flou
Laccueil familial des personnes âgées sest donc développé dans le cadre de contrats de gré à gré passés entre ces dernières et les accueillants hors de tout contrôle par une institution sociale ou médico-sociale lorsque la personne accueillie ne bénéficiait pas de laide sociale. Les prestations offertes par les accueillants étaient donc très variables selon leur conception du métier et leurs motivations. Ces prestations pouvaient aller du partage de la vie familiale à la simple mise à disposition dune chambre.
Si les placements familiaux se faisaient dans le cadre de laide sociale, les familles daccueil pouvaient bénéficier dun suivi et dun contrôle. Il sagissait notamment des placements pour malades mentaux et handicapés et les enfants orphelins ou délaissés mis en place de façon très institutionnalisée. Par exemple, le statut des assistantes maternelles (agrément, formation, rémunération) organisé en 1977 en a fait des salariés de plein droit.
En 1989, les pouvoirs publics font le constat suivant : les lois en vigueur ne permettent pas un contrôle suffisant et on assiste à de nombreux abus (captation dhéritage, négligences à légard des personnes accueillies). Ils vont être ainsi amenés à légiférer et à établir des normes requises pour lexercice de cette activité.
Cest donc pour contrôler et réglementer laccueil familial que la loi du 10 juillet 1989 relative à laccueil par des particuliers, à leur domicile, à titre onéreux, des personnes âgées ou handicapées, est née.
C) la réglementation de laccueil familial
Cette loi précise les droits et obligations des deux parties, cest à dire la personne âgée (ou son représentant légal) et la famille daccueil. Les modalités daccueil sont énoncées aux accueillants familiaux lors de la procédure dagrément et sont également précisées dans un contrat souscrit entre la personne accueillie et laccueillant familial.
Dans le cadre de sa politique de décentralisation, le législateur a confié au Président du conseil général de chaque département lessentiel des tâches dorganisation et de suivi de ce dispositif. Ainsi, il doit instruire les demandes dagrément, organiser la formation et le contrôle des familles daccueil et assurer le suivi médico-social des personnes accueillies. Mais il peut également déléguer tout ou une partie de ces missions à des organismes et institutions.
Ainsi, en Haute-Marne, le conseil général a confié ces missions à la maison de retraite de Doulaincourt, via le Service Coordonnateur de lAccueil à Domicile (SCAD). (...)
3) La formation et le suivi des accueils familiaux : des notions discutables
a) la formation
« En matière doffre de formation, les pratiques se révèlent diverses. Ainsi en est il de la durée (de 12 à 60 heures), du public concerné, ensemble des familles daccueil ou famille recevant seulement des personnes âgées. Certaines formations mettent laccent sur les savoirs et les savoir-faire à travers, par exemple, la diététique et lhygiène, la manutention ou la mobilisation des personnes. Dautres se centrent sur les « savoir-être » en abordant des questions comme laccompagnement des mourants, la relation daide Positionner la famille au sein dun réseau de proximité médico-social apparaît comme le seul point commun à lensemble des formations. »
Si la loi oblige les accueillants à suivre une formation, aucune indication concernant cette dernière ne figure dans les textes. Chaque département est ainsi amené à inventer des thèmes et des programmes de formation.
Or, la construction dun programme de formation ne peut se faire sans envisager une question préalable et incontournable : « quelle formation pour quels objectifs ? » . Cest en ce sens que la formation et plus particulièrement son contenu, est une notion discutable.
Sagit-il de former le savoir-faire ? et alors quels « faire » vont être privilégiés, celui de léducatrice familiale, de laide-soignante, de la garde-malade ou de la bonne ménagère ? » .
Il est nécessaire dêtre prudent et de préciser les intentions de la formation afin que celle-ci réponde aux besoins des familles daccueil. Il ne sagit pas denfermer ces dernières dans des pratiques auxquelles elles ne pourront répondre ni dans la continuité, ni dans lintimité.
En effet, les familles daccueil ne sont ni des éducateurs, ni des aides-soignants, ni des gardes-malades. Ces familles doivent souvent improviser et se débrouiller lorsquelles sont confrontées à des difficultés. Etre accompagnées dans cette pratique par des formations et dautres professionnels permet de les aider à résoudre ces difficultés.
En fait, « la nécessité de la formation se pose essentiellement à partir de la spécificité de lactivité. Elle est donc un moyen de sortir de chez soi, de rencontrer dautres familles daccueil, déchanger sur son travail, de partager ses difficultés, dêtre informé des défaillances des personnes et dêtre aidé dans lélaboration des réponses que chacun doit inventer dans son cadre familial ou en faisant appel aux réseaux médico-sociaux existants » .
A titre indicatif, en Haute-Marne, la formation des accueillants familiaux est mise en place depuis mars 2007 et sa durée est fixée à 31h30. Son contenu comprend plusieurs modules tels que linitiation aux gestes de premiers secours, la connaissance de la personne âgée et de la personne handicapée, ou encore la diététique et lalimentation.
b) le suivi et le contrôle
Il sagit de vérifier que la personne âgée accueillie bénéficie de toutes les attentions et de tous les soins que son âge et son état requièrent. Il permet aussi de contrôler la mise en application et le respect des conditions daccueils précisées dans le contrat.
Le contrôle est davantage centré sur la vérification du respect des critères dagrément et sur les bonnes conditions daccueil, le suivi étant davantage axé sur le traitement des aspects relationnels de laccueil et des aspects personnels affectant laccueilli et la famille daccueil.
A ce suivi et ce contrôle, peut sajouter un suivi dordre administratif aux personnes accueillies et aux familles daccueil. Celui-ci a pour objectif dinformer, de conseiller et daider la personne âgée, notamment au moment de la négociation du contrat avec la personne accueillante. Par la suite, il permet de vérifier que les démarches administratives, prévues dans le contrat, ont bien été effectuées (assurances, fiches de paie, déclarations à lURSSAF ).
De plus, ces visites se font la plupart du temps de manière irrégulière et inopinée, et donnent lieu à une synthèse précise sur le comportement de la famille et les conditions matérielles. Le poids, lalimentation, lhygiène, la mobilité, le sommeil et le bien-être moral de la personne accueillie, font lobjet dun compte-rendu.
Ce principe peut être mal vécu par les accueillants familiaux. Certains peuvent ainsi assimiler ces visites à des inquisitions et se montrer méfiants face aux agents. Pourtant, ces visites nont pas pour objectif de surprendre mais plutôt de soutenir les accueillants et de permettre un accueil de meilleure qualité.
Madame T, infirmière au SCAD, dira à ce sujet : « le souci au départ a été détablir clairement avec laccueillant ce principe de visite inopinée. On est pas là avec lil du gendarme mais avec un regard de bienveillance. Il fallait leur faire comprendre que nous agissions ainsi afin que laccueil puisse se dérouler le mieux possible ».
Dautre part, le suivi et le contrôle se confondent. Ces différents points sont en fait évalués autant lors des visites de contrôle que lors des visites de suivi. Les tentatives de différenciation se heurtent au fait que ces pratiques se réalisent toutes deux au domicile de laccueillant et quelles sont réalisées par le même professionnel.
Il est alors compréhensible dans ces conditions que les personnes agréées assimilent le suivi à un contrôle et que chacun ait quelques difficultés à sy retrouver.
En Haute-marne, les visites du suivi social et médico-social des agents du SCAD seffectuent aussi souvent que nécessaire, et au minimum une fois par trimestre.
D) Un timide cheminement de la professionnalisation : la loi du 17 janvier 2002 et les décrets du 31/12/2004
1) La loi du 17 janvier 2002 rénovant laction sociale et médico-sociale et les décrets du 31/12/2004
Cette loi va permettre dapporter une harmonisation et daméliorer le dispositif daccueil
familial [ ] « qui, sans être remis en cause, ne donne une satisfaction totale ni aux personnes accueillies et à leurs familles, qui quelquefois ne connaissent pas bien les conditions dagrément [..], ni aux familles accueillantes, qui ne sont pas suffisamment reconnues dans leur engagement social et professionnel ».
Les modifications apportées par cette loi concernent à la fois la forme et le fond.
Sur la forme, afin dapporter un minimum de clarification, il est mis fin à la division entre deux titres distincts (accueil des personnes âgées/ accueil des personnes handicapées) ; lagrément, le contrat et certaines dispositions sont communes aux deux types daccueil.
Le particulier agréé plus fréquemment appelé « famille daccueil » cède la place à « laccueillant familial », terme qui permet de se décliner aussi bien au singulier quau pluriel et de désigner un métier « accueillant » et son caractère « familial »
Sur le fond, plusieurs modifications ont été apportées. Lagrément, dont le principe est posé de manière plus formelle, est accordé pour une durée de cinq ans et pour trois personnes au maximum, sans possibilité de dérogations.
Un contrat type est également établi par voie réglementaire, et non plus par chaque président du conseil général ; ceci permet déviter les disparités entre départements, dunifier le contenu des contrats daccueil, et donc duniformiser les modalités daccueil.
La loi de 2002 renforce aussi les droits sociaux des familles accueillantes, notamment en leur reconnaissant un droit à congés payés, assorti dune indemnité de congé, et en fixant leur rémunération minimale par référence au SMIC, et non plus au minimum garanti.
Il faut cependant patienter trois années pour quapparaissent les décrets dapplication de cette réforme
2) Une loi sujette à la controverse
Si des améliorations ont été apportées, certains points demeurent flous ou semblent ne pas satisfaire les professionnels.
Ainsi, la Fédération Nationale de lAccueil Familial (FNAF) et LUnion Nationale des Associations de Familles dAccueil (UNAFA) regrettent dabord que le statut de salarié ne leur ait pas été reconnu. Les accueillants « bénéficient dun salaire indexé sur le SMIC, payent des cotisations sociales obligatoires, ont des droits à des congés payés, mais ne relèvent pas, on ne sait pourquoi, du code du travail » .
Dautre part, la clause qui stipule que laccueillant ne peut sabsenter que si une solution permettant dassurer la continuité de laccueil est mise en place demeure toujours. Laccueillant percevra ainsi des congés payés mais ne pourra sabsenter que sil trouve à être remplacé. Ainsi, daprès la présidente de la Fédération Nationale de lAccueil Familial (FNAF) : « il faudrait pouvoir recruter au moins une auxiliaire de vie, mais il nest pas possible, au tarif où sont payés les accueillants familiaux, quils rémunèrent une aide-ménagère » .
Comme nous lavons vu, la personne âgée a une importance dans la société. Laugmentation de lespérance de vie génère un vieillissement de la population quil faut prendre en charge. Laccueil familial est une réponse à ce phénomène. Cependant, ce dispositif a une réalité « théorique » quil faut pouvoir appliquer au quotidien. (...)
II) Laccueillant familial des personnes âgées : la réalité au quotidien
(...) A noter, un nombre significatif de ces femmes à un moment donné de leur vie ont exercé une profession sanitaire ou sociale ( agent de service, aide-soignante, assistante maternelle). Dailleurs, sur les 8 personnes interrogées, 5 ont une expérience dans le secteur sanitaire et social (...)
B) Motivations des accueillants familiaux et raisons de lorientations en accueil familial des personnes âgées
1) La motivations des accueillants
Daprès le docteur SANS, trois types de motivations peuvent être schématiquement repérés :
- Les motivations « humanitaires », consistant en ce quun couple veuille aider, faire du bien, accueillir, « rendre service ». Dautre fois, moins fréquemment, il sera question réellement de la volonté daider un enfant ou un adulte en difficultés psychologiques et sociales.
« Je fais ça toute ma vie moi toute façon ( .) parce que moi à 10 ans je partais en classe avec mon vélo et quand je sortais de lécole, jallais chercher la gamelle à la croix rouge et jallais donner la gamelle aux personnes âgées, jai eu lhabitude dés le départ de faire toujours ça » (Mme F)
« cest des petites choses, à noël les cadeaux, le gâteau et les bougies pour leurs anniversaires, il y a beaucoup de choses quon voit peut-être quelles nont pas eu ailleurs, je sais pas des choses toutes simples qui vont leur faire plaisir ». (Mme D)
On peut ici remarquer un grand dévouement des accueillants familiaux auprès des personnes âgées et ce, depuis leur plus jeune âge pour certaines.
- On pourra mettre en évidence une motivation financière, à savoir le besoin pour un couple de trouver un complément au salaire du mari, le plus souvent. Ceci se retrouve dans tous les milieux et est peut-être plus particulièrement fréquent dans la période actuelle de difficultés économiques accrues.
« avant je travaillais à lusine, cest ce qui me permettait davoir un deuxième salaire, et comme je pouvais plus travailler, il fallait que je trouve un autre métier, donc cétait ou les personnes âgées ou les enfants. » (Mme B)
- Un troisième type est beaucoup plus délicat à cerner, et ce sont celles pour quoi il convient dêtre plus vigilant : il sagit des motivations que lon peut considérer comme inconscientes. Quest-ce qui, très profondément, pousse une personne à vouloir en aider une autre ? Quelles sont les failles quelle sent en elle pour vouloir les combler par laide et lamour à apporter au prochain ?
« ma maman est décédée mais bon elle aurait eu le même âge et puis je me disais que sans prendre la place de celle qui avait eu 4 enfants je me suis dit elle a le même âge que maman, elle a le droit à une fin de vie heureuse aussi parce nous maman on sen est occupée jusquau bout. »
Mme C souhaite apporter une fin de vie heureuse à la personne quelle accueille. Il semblerait ici quelle identifie la personne accueillie à sa mère quelle a perdue. Elle souhaite ainsi lui faire vivre des moment heureux tout comme elle la fait avec sa mère.
On peut ainsi classifier les motivations selon trois critères. Toutefois, dans la réalité, celles-ci « se mêlent en des proportions variables à la curiosité, au besoin danimer une vie un peu monotone ainsi que, parfois pour une épouse, au désir de se valoriser par rapport à son mari exerçant un métier » . Ceci peut créer un ensemble complexe quil nest pas toujours simple à analyser lors des demandes dagrément. Il y a rarement des couples (ou des personnes seules) venant faire leur demande dagrément, ne mettant en avant quune seule motivation. Lune peut le plus souvent savérer prioritaire mais une ou deux autres apparaissent en filigrane.
Madame Sauvageon qui héberge deux personnes âgées explique ainsi : « La motivation est, au départ, souvent financière, alliée à un désir de soccuper des autres. »
Cette politique concernant le recrutement des accueillants familiaux a des répercussions importantes dans la suite du travail. Il semble alors important de se demander jusquoù aller dans lhistoire de la famille lorsque lon interroge les accueillants sur leurs motivations
2) Les raisons de lorientation en accueil familial pour la personne âgée
Daprès lenquête réalisée par lUNIOPPS, aux dires des familles daccueil, les personnes âgées viennent le plus souvent de leur domicile et ont dû quitter celui-ci en raison soit dun veuvage, soit dune impossibilité dy mobiliser laide nécessaire (la référence étant à ce niveau exclusivement la famille naturelle). La référence à linsuffisance des services daide et de soins à domicile nest que rarement abordée, cest davantage les limites ou labsence des familles naturelles qui sont évoquées.
En ce qui concerne les personnes âgées concernées par mon enquête, aux dires des accueillants familiaux, 8 personnes âgées sur 17 ont été orientées en famille daccueil par la famille (enfants ou frères et surs). Les accueillants expliquent cette orientation en famille daccueil par un éloignement important de la famille ou par le manque de temps de ces dernières.
« Pour la personne âgée, cétait que les enfants étaient tous loin, un en Haute-Loire, lautre dans la Côte dOr et les filles ne pouvaient pas soccuper de la maman ( .) non, non elle ne pouvait plus rester chez elle, elle tombait. » (Mme E)
Jai également noté que sur ces 8 personnes âgées, 5 ont été orientées en famille daccueil suite à un accident ou à une pathologie empêchant un maintien à domicile.
« la première venait de lhôpital donc elle sétait cassé une jambe après ils ont vu quelle ne pouvait plus vivre seule donc ils mont demandé et moi jai accepté » (Mme A)
« Elle est tombée dans les escaliers ( ), elle a été hospitalisée à Nancy, elle a eu un traumatisme crânien donc les enfants ne la laissaient plus du tout, elle ne peut plus vivre toute seule donc ils ont demandé à ce quelle soit gardée dans une famille daccueil. » ( Mme B)
C) Laccueil familial : vie professionnelle et vie privée
1) Les liens affectifs entre accueillant familial et personne âgée
Comme je lai défini dans ma première partie, laccueil familial ne se résume pas uniquement au simple fait dhéberger la personne âgée.
Il sagit également doffrir à celle-ci un cadre familial stable et chaleureux permettant la continuité dune vie sociale et relationnelle.
Comment, dans ce contexte, laccueillant familial et la personne âgée accueillie peuvent-ils ne pas créer de liens ?
« Les liens qui se tissent entre accueillants et accueillis sont indéniablement une traduction de leur capacité à vivre ensemble et des efforts que chacun a dû consentir pour shabituer, composer, être avec » .
Les cliniciens ont dailleurs tendance à préférer au terme de liens le concept d « attachement » mieux repéré et surtout mieux défini. « Lattachement se caractérise par la nécessité impérieuse de se sentir protégé et en sécurité en présence dune personne particulière, ou en réduisant par son comportement la distance avec elle et en maintenant le contact en son absence » .
Cet aspect a été abordé lors de mes entretiens avec les accueillants familiaux :
« Le point dattache, il est là. » (Mme A)
« Non elle a personne elle a que nous enfin moi mes enfants mes petits enfants quelle voit toute la journée quoi quand elle les voit pas elle les réclame elle a personne mais cest peut être ça aussi que je me suis attachée à elle et puis elle sest attachée à moi je sais pas dans quel sens mais je pense quon a dû sattacher toutes les deux lune à lautre » (Mme C)
Les paroles de Mme C confirme cette notion dattachement réciproque entre accueillant et accueilli. Dautre part, ces paroles semblent laisser entrevoir des carences affectives chez la personne accueillie.
Il semblerait que ce manque daffection ait favorisé cet attachement entre les deux personnes :
« Eh beinh cest à dire que cest une personne très attachante qui donne beaucoup damour pour le peu quelle a reçu donc elle cherche, elle donne beaucoup damour, et je ne peux pas repousser quelquun qui, qui demande de laffection on va dire » (Mme C)
Lorsque lon évoque ces carences, il est question de lisolement des personnes âgées et de labsence des familles naturelles.
Les accueillants familiaux peuvent, de ce fait, être considérée comme une famille de « substitution » :
« On est un peu comme sa deuxième famille, ses enfants sont loin, ils viennent pas souvent la voir » (Mme F)
Toutefois, ceci peut savérer problématique, notamment lorsquil est question du décès de la personne accueillie. La famille daccueil peut se retrouver en souffrance lors du décès de la personne âgée du fait des liens qui avaient été tissés entre eux.
Cette souffrance peut avoir alors des conséquences, comme lont fait remarquer respectivement Mme A et Mme G :
« Cest un crève-cur, au bout dun nombre dannées, malgré tout elles prennent leurs places, on sattache malgré tout même si on le voit pas tout les jours, et puis à chaque fois que jai eu un décès beinh moi le dernier décès, jai mal supporté ( ), mal pris, je ne sais pas pourquoi, je men voulais, donc je voulais plus faire ce travail, je voulais plus travailler » .
« Jai essuyé quand même deux décès, donc titi et puis Marcel, mais Marcel, ça faisait deux ans, cest vrai quil faisait partie intégrante et cest vrai que ça marque, ça a été très dur son décès »
Jai pu également noter, aux dires des accueillants familiaux, quil pouvait sinstaurer des liens entre la personne âgée et les enfants et petits-enfants de laccueillant.
En effet, lors de mes entretiens, laccueillant parle dune bonne intégration entre la personne âgée et les enfants ou petits-enfants. Il semble même que parfois la personne âgée soit identifiée à la grand-mère de la famille :
« ma fille jouait parfois avec elle au dada, elle lui lisait le journal, elle sen est beaucoup occupée aussi, parfois, elle lappelait même mémère Jeannine » (Mme G)
« Même mes petits-enfants, mamie Cécile ils lappelaient » (Mme H),
Bien que lagrément soit donné à titre individuel, les enfants se sentent souvent très concernés par la prise en charge de la personne ; ils simpliquent alors, en aidant la personne agréée ou en soccupant de la personne âgée :
« Ma dernière des filles, elle va lui donner à manger, elle va la voir, elle va lui donner un verre deau dans laprès-midi, elle va lui donner son repas, elle va voir si elle a besoin de quelque chose, il ny a rien qui loblige mais cest vrai que ma famille me soutient beaucoup » (Mme C)
« Ma famille participe à nimporte quoi si il faut faire quelque chose elles sont toujours partantes pour aider » (Mme E)
2) Des répercussions sur la vie familiale de laccueillant
Dans laccueil familial, vie privée et vie professionnelle sont mêlées, ce qui nest pas sans avoir de répercussions sur la vie de couple et sur les enfants. Daprès Pierre Sans, « Tout finit par en être envahi, réduisant à peu de choses lintimité du couple et les retrouvailles avec les enfants » .
Présente en permanence au domicile de la famille daccueil, la personne âgée est témoin de toutes les scènes du huis-clos conjugal. La famille daccueil peut alors éprouver un sentiment dintrusion à son égard ; ce qui savère paradoxal dans la mesure la prise en charge de la personne âgée repose sur la volonté de la famille.
« Cest gênant ça rentre dans votre vie, cest gênant, je dis bien ça rentre dans votre vie. ( ) Cétait contraignant ah oui gênant, elle me gênait, elle me gênant par rapport à ma vie courante ( ) dans mes sentiments dans voilà si javais quelquun au téléphone une conversation bon beinh jallais pas la changer de place parce que mon contrat voilà euh voilà cétait gênant dans plein de petites choses comme ça voilà quand quelquun venait me rendre une visite ou nimporte si cétait des gens que je ne voulais quelle sache que ce qui se passait elle était quand même là elle le savait donc donc dans toutes ces petites choses de la vie courante » (Mme A)
Afin déviter cet empiètement sur la vie privée, certaines familles tentent détablir des règles ou de fixer des limites.
« Vous savez pas le comportement quil peut quil peut avoir puis même vous même des fois vous faites des gestes vous ne vous rendez pas compte du geste que vous faites il y a des fois ça peut prêter à confusion donc faut faire quand même très attention je trouve que cest très important il faut savoir sarrêter par exemple, quand jai eu mon pensionnaire, les premiers jours, il me faisait la bise, alors tout il arrivait sur moi, il fonçait sur moi, il membrassait, bon, je me suis dis ça va pas. Quand il y a du monde ça fait drôle alors jai dit maintenant on serre la main George, maintenant on se serre la main, quand il vient à partir oui mais autrement tous les jours, je lui serre la main » (Mme F)
Linstauration de ces règles nest pas toujours facile car elle amène alors les accueillants familiaux et leurs entourage à modifier leur façon de vivre.
« Beinh y a plein de choses qui font que tout change dans votre vie si mon mari vis-à- vis dune dame à la maison, bon beinh si il voulait se trimbaler en slip on ne peut plus le faire voilà, donc obligation systématique de mettre des tenues appropriées. (Mme G)
En ce qui concerne la cohabitation entre les enfants et la personne âgée, celle-ci peut parfois être difficile à gérer, ceci du fait du comportement ou de létat de santé de la personne âgée.
« Jai un fils à lépoque qui avait encore 15 ans, jai rencontré de gros problèmes donc de jalousie, elle sen prenait à mon fils quoi » (Mme F)
« Je lai gardé que 7 mois jai pas pu beaucoup trop de problèmes par rapport justement avec les enfants. Les enfants nacceptent pas le système, sa maladie, ils ne lacceptaient pas, je ne pouvais pas faire supporter à mes gosses des choses quils navaient pas besoin de voir maintenant, ils étaient trop jeunes pour ça » (Mme A)
Certains diront même que cette activité savère inconcevable lorsque laccueillant est jeune et quil a des enfants en bas-âge.
« Vous ne pouvez pas demander à une jeune femme de 30 ans de prendre chez elle une personne âgée, parce que cest pas possible parce quavec des jeunes enfants, elle ne pourra pas accommoder la personne âgée et les jeunes enfants » (Mme C)
3) organisation et adaptation
a) Lorganisation de la journée
Laccueillant familial doit concilier à son domicile activité professionnelle, tâches domestiques, et prise en charge des enfants quand ces derniers vivent encore au domicile des parents ; ceci nécessite donc dêtre organisé. Ainsi, jai pu remarquer lors des entretiens menés avec les familles daccueil que la plupart planifiaient leurs activités et que leur quotidien commençait très tôt.
« Il y allait deux fois dans la semaine donc je morganisais deux fois dans la semaine pour sortir les choses que javais à faire voilà, cest toute une organisation » (Mme G)
« Donc euh je me lève déjà vers 6h30, je moccupe de ma fille déjà ensuite je lemmène au bus ( ) je lève Suzanne parce que Suzanne elle a de lincontinence donc je la lève je lemmène au WC je la fais déjeuner pendant ce temps là je lève Jaqueline, WC, pareil déjeuner euh après il y a la toilette, Jaqueline fait son lit toute seule Suzanne non maintenant elle ne fait plus ( ) elle attend midi ( ) Jaqueline, elle, elle écoute son poste et pendant ce temps moi je fais mon ménage, à manger pour le midi et ensuite repas » (Mme D)
Les accueillants organisent leurs journées en fonction de la personne accueillie. Madame D, par exemple, soccupe dabord de Suzanne, plus dépendante et nécessitant une prise en charge plus longue, puis se consacre à Jaqueline.
Lorganisation des repas a été un sujet également abordé avec les familles. Selon le souhait des familles et la personnalité des personnes âgées, les repas se prennent ou séparément ou ensemble.
Mme A prône le partage de la vie familiale : « Je préparais le repas et jattendais que mon fils rentre de lécole et on mangeait tous les 3 ensemble »
Mme D, quant à elle, sest organisée pour que les personnes âgées mangent avant : « Elles sont trop sales quand elles mangent si vous voulez, elles bavent des fois ça revient dans lassiette donc non elles mangent avant nous, et puis Jaqueline, elle, elle se bourre quand elle mange »
Concernant les activités des personnes accueillies, celles-ci dépendent de leur niveau de dépendance.
Les entretiens avec les accueillants familiaux font apparaître une grande implication des personnes âgées dans les tâches du quotidien lorsque létat de santé le permet encore.
« il fallait quelle maide, elle mettait la table, elle débarrassait la table, mes plats qui étaient préparés elle allait les chercher dans le frigo, elle me pliait mon linge, elle faisait tout, il fallait voir » (Mme C)
« Quand elle était bien, elle faisait tout, elle balayait, elle faisait des tas de choses, ça lui plaisait » (Mme D)
Certaines, lorsque létat de santé se dégrade, souhaitent continuer à participer aux tâches du quotidien. Elles effectuent alors des petits travaux ne nécessitant pas de gros efforts physiques.
« non parce que grabataire elle ne pouvait pas mais elle faisait dautres choses, elle ne pouvait pas sen empêcher, donc beaucoup devant elle, elle faisait des choses, cétait des soupes des choses comme ça, tout ce quelle pouvait éplucher » (Mme A)
« Elle y participait, elle ne participe plus beaucoup depuis quelle sest cassé le col du fémur. Si, elle continue à plier du linge et cest très bien plié dailleurs » (Mme D)
Ces paroles mettent en évidence le fait que les personnes accueillies se sentent redevables envers laccueillant familial. Il semble alors que la participation aux tâches du quotidien soit un moyen de rembourser « leurs dettes ».
Mme A, par ses propos, confirme quil existe un réel échange entre les individus : « cétait une dame qui aimait bien être nickel alors comme je suis couturière jy faisais de beaux tabliers, de belles blouses, mais voilà elle, elle ma aidé aussi et puis comme jétais pas trop riche dans les moments où je suis arrivée ici, et bien, elle mapprenait des recettes de pommes de terre, des choses comme ça »
b) Famille et personnes âgées : une adaptation réciproque
Pour laccueillant, ladaptation se fait tant au niveau de la personnalité que de létat de santé des personnes âgées.
Ladaptation est donc plus ou moins difficile selon les difficultés rencontrées. Certains shabituent assez facilement à la personne âgée. Pour dautres, laccueil dune personne âgée à leur domicile savère plus complexe.
Laccueillant familial peut éprouver des difficultés dadaptation lorsquil sagit de prendre en charge une personne âgée qui est ou devient dépendante.
« la manipulation jen aurais eu besoin de lavoir au départ, la technique apprendre la manipulation dune personne grabataire des tas de chose comme ça que javais besoin parce que au bout dun mois beinh jétais presque morte en fin de compte, dans la mesure où beaucoup de fatigue, beaucoup de gestes pour rien, beaucoup de choses inutiles » (Mme A)
« la dame que jai eu pendant trois ans, elle a eu une atrophie, elle avait donc des ovules à mettre et quand le médecin a prescrit les ovules, moi jai dit au médecin, je lui ai dit non, je ne pourrais pas les mettre, je ne sais pas faire ça moi » (Mme C)
« Quand Suzanne a eu son incontinence au début, cétait difficile, oui, jétais embêtée, parce que cest vrai que au début on ne sait pas trop comme ça dun seul coup, on se pose des tas de questions quoi et au fur et à mesure non ça a été mais cest vrai quau début cétait dur parce que jarrivais plus à suivre, je me posais même la question à savoir si jallais la garder ou pas quoi parce que vraiment jarrivais plus à suivre, au niveau du ménage, des enfants, tout ça » (Mme D) Pour des personnes atteintes de la maladie dAlzheimer ou de crises de démences régulières, la prise en charge savère beaucoup plus lourde que pour des personnes dépendantes physiquement. Parfois, ce comportement perturbe à tel point les conditions de la famille daccueil, que ladaptation est impossible. Celle-ci ne peut plus tolérer les attitudes de laccueilli et est alors amenée à mettre fin à laccueil.
« Cétait une personne quon a essayé de remettre dans le système quoi quelle reprenne une vie familiale normale elle na pas été ça na pas été avec la parkinson et lAlzheimer ça na pas fonctionné donc je lai redonnée au bout de 7 mois » (Mme A)
« Linfirmière qui était là où elle a piqué une crise elle sest rendu compte dans létat où elle était quoi mais cest très très dur, elle a dû être placée dans une famille à nouveau dans une famille ils lont gardé 15 jours, au bout de 15 jours, ils pouvaient plus » (Mme F)
Ladaptation à la personne âgée doit se faire également en fonction du caractère de la personne âgée. Ceci peut parfois savérer difficile à gérer pour les accueillants familiaux.
Madame A affirme : « beinh faut sadapter à elle déjà parce quelle a déjà son vécu faut la prendre avec son vécu »
Pour Madame C : « Cétait invivable, à la limite cest elle qui vivait chez moi, cest elle qui gérait ma maison, donc très difficile parce que je pense quà la fin elle maurait fait faire de la dépression »
Certains accueillants familiaux expliquent le comportement agressif de la personne âgées par la souffrance de cette dernière. Celle-ci se sentant seule et délaissée par sa famille exprimerait cette souffrance par de la violence et de la colère.
« Elle aimait bien mon mari, elle aimait bien mon piot, mais moi, jétais la personne contre qui elle pouvait se révolter. ( ), beinh, cest normal, personne ne venait la voir, donc elle était des heures devant la fenêtre dans son fauteuil roulant à attendre ses petits-enfants, personne ne venait, moi je voyais les gens une fois par mois dans le mois, dix minutes le temps de me donner mon chèque et cétait fini, et puis voilà, elle ne voyait personne, surtout quils nhabitaient pas loin, voilà , donc elle était en colère, mais cest normal, vous attendez quatre ou cinq heures devant une fenêtre, vous êtes agressif » (Mme A)
Certains doivent également faire preuve dastuces face aux comportements de la personne âgée pour éviter tout désagrément :
« Si la nuit, elle se déshabillait, cest mettre son pyjama à lenvers, mettre les fermetures dans le dos avec une petite épingle, cest tout des technique comme ça, quon apprend sur le tas, que moi, jai appris sur le tas, voilà, cest trouver des astuces pour que jai un minimum de dégâts et cest venu en y réfléchissant parce quelle men inventait tout le temps » (Mme A)
Pour les personnes âgées, ladaptation à un nouvel environnement peut être également plus ou moins difficile et demander un certain temps afin que celle-ci se fasse.
Mr O, gériatre, dira à ce sujet : « le vieillissement cest une diminution des capacités, la personne âgée est capable de faire la même chose quun jeune mais plus lentement et beaucoup plus difficilement surtout si cest quelque chose de nouveau. »
« ah beinh quand elle est venu au début, elle prenait seulement le repas de midi avec nous, et puis ça sest arrangé après, elle restait toute la journée avec nous » (Mme E)
Cest pourquoi laccueil de la personne âgée se fait de manière progressive. Avant dintégrer le domicile de laccueillant de manière définitive, la personne âgée est dabord accueillie durant un temps plus court.
« Moi je fais comme ça maintenant, je prends la personne âgée à la maison une journée, je la rencontre avant, je la prends une journée à manger au repas avec les enfants, on voit comment la personne âgée sadapte, comment ça se passe avec les enfants » (Mme E)
D) Etre accueillant familial : une mission difficile
1) Un grand manque de liberté
Si cette activité permet aux accueillants de pouvoir rester à domicile tout en gardant une activité professionnelle, ces derniers doivent assurer une présence constante auprès de la personne accueillie. Cette activité demande alors une grande disponibilité, ce qui peut la rendre davantage contraignante. Cette contrainte est fréquemment abordée par les accueillants familiaux :
Michèle Defudes témoigne : « Il faut aimer faire la cuisine et cest parfois assez contraignant. On ne peut se permettre de sauter un repas ou de se dire « aujourdhui je nai pas envie de cuisiner ». Etre famille daccueil demande une grande disponibilité et cest ce manque de liberté qui est à mon sens le principal inconvénient »
« Il faut pas oublier quen famille daccueil vous les avez 24 heures sur 24 donc la personne qui ne dort pas du tout la journée qui ne dort pas encore la nuit comment vous faites ? cest très très dur, oui très fatiguant » (Mme F)
La nécessité dêtre constamment présent peut alors à la longue générer une grande fatigue et une usure professionnelle chez les accueillants familiaux. Cest lorsquils saperçoivent quils commencent à être fatigués que cette activité peut devenir plus difficile à assumer :
« On est bien chez nous et lon ne sen va pas travailler à lextérieur, mais lorsque, tout dun coup, le pensionnaire, à 9 ou 10 heures du soir, a encore besoin de nous, ( .), on saperçoit tout de même que notre liberté de vie est restreinte vingt quatre heures sur vingt quatre, et non pas simplement pendant un temps habituel de travail. Je crois que là on commence alors à se défendre, que le pensionnaire se rend compte quon lui laisse peut être moins de liberté quau début et quà partir de là lui aussi peut développer une certaine agressivité, ( ). Cest alors la période des premières mises au point où on commence à dire : « Nous on existe comme famille, nous on est chez nous, ( ) »
Cette contrainte est dautant plus difficile à assumer que la loi ne prévoit aucune solution de remplacement.
En effet, bien que les accueillants familiaux perçoivent des congés payés, ces derniers ne peuvent sabsenter que si une solution permettant dassurer la continuité de laccueil est mise en place. Ce sont donc les accueillants qui doivent eux-mêmes trouver des relais afin de pouvoir faire une pause.
« Ce qui maurait plu moi cest quentre familles daccueil on puisse prendre les gens, ça nous permettrait de partir un peu en vacances, parce que vous navez pas de vacances du tout, vous les avez toute lannée, donc ça cest dur ( ..). Huit jours dans lannée cest vrai que ça ferait du bien, alors javais demandé si à la maison de retraite de Doulaincourt il pouvait récupérer la personne là-bas mais non ça se fait pas quoi cest pas conçu pour » (Mme F).
2) Des revendications concernant leur statut
Lors de mes entretiens avec les accueillantes familiales, je nai, à aucun moment, abordé la question du statut qui leur est conféré.
Pourtant, cet aspect a été évoqué par la plupart de celles-ci au fil des entretiens.
« Cest un travail, faut bien comprendre que cest un travail cest un métier ça mérite quil soit pris en considération, on est pas assez considéré ( ) il y a certaines choses qui ne sont pas encore au point aujourdhui. Moi, je dis on devrait être reconnu comme une nourrice pour enfant, la nourrice elle, elle a des choses que nous encore aujourdhui on a pas ». (Mme A)
Pour certaines personnes âgées, comme pour certaines accueillantes, il est difficile de percevoir leur identité.
Ainsi, certains accueillants se plaignent du fait quils nont plus limpression dêtre chez eux et expriment le sentiment dêtre des employées dans leurs propres maisons.
« Cest elle qui vivait chez moi mais javais limpression que cétait elle qui gérait tout » (Mme C)
Les personnes âgées, quant à elles, se sentent redevables et manifestent une grande volonté à vouloir donner pour compenser. Elles nont pas alors suffisamment assimilé leur statut et ne comprennent pas que les accueillants sont rémunérés pour exercer cette activité.
Ainsi, Mme H affirme : « Elle faisait à manger, la vaisselle, ou souvent cétait laspirateur, elle me disait que ce nétait rien par rapport à ce que je faisais pour elle, elle avait toujours le sentiment dêtre redevable »
Lors de mes entretiens, la plupart des accueillants familiaux ont exprimé le fait que les personnes âgées étaient satisfaites de laccueil dont elles bénéficiaient. Ils évoquent davantage de soucis avec la famille naturelle de ces dernières.
Les familles naturelles se montrent parfois très exigeantes envers la famille daccueil et perturbent léquilibre familial de laccueillant.
« Je ne pouvais pas mabsenter cinq minutes. Il suffisait que je mabsente cinq minutes et que sa fille appelle, et beinh elle me rappelait et me reprochait de mêtre absentée, je ne pouvais plus supporter à la longue, ça devenait invivable, cest une activité suffisamment pénibles alors si cest pour avoir sans arrêt des reproches en retour ». (Mme D).
Laccueillant familial a le sentiment dêtre manipulé et de ne pas être reconnu à sa juste valeur.
(...)
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